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L'harmattan:Causes, avantages et inconvénients d'un vent sec

Environnement
Par   Didier Pascal DOGUE, le 29 janv. 2015 à 05h17

Après avoir influencé le quotidien des populations pendant plusieurs semaines, l’harmattan s’est retiré aussi bien du Sud que du Nord où il sévissait. Pour en savoir un peu plus sur ce vent, Brice Gérard Massessi, ingénieur en environnement apporte ici des explications scientifiques sur cette manifestation naturelle et son influence sur l’environnement.

L’harmattan est un vent sec chargé de poussière et de fines particules de sable, provenant du désert et soufflant vers le Sud notamment en Afrique de l’Ouest avec un taux d’humidité très faible, explique Brice Gérard Massessi. Pour cet ingénieur en environnement, généralement, il y a plusieurs types d’harmattan. Ils sont définis par rapport à l’humidité. On peut distinguer par exemple, l’harmattan de type I dans lequel toutes les valeurs d’humidité relative sont inférieures à 50% et parfois sur plusieurs jours ; l’harmattan de type II où seules les valeurs d’humidité relative de la journée sont inférieures à 50% et l’harmattan du type III marqué par une grande variabilité de l’hygrométrie (c’est-à-dire la quantité d’humidité contenue dans l’air) , le seuil de 50% n’étant dépassé que pendant quelques heures, à peine 5 heures d’horloge. Tous provoquent des nuisances à l’Homme, indique-t-il.

Désagréments de l'harmattan

Les désagréments causés par l’harmattan sont énormes, rappelle Brice Gérard Massessi. Il y a d’abord l’aspect physique que l’harmattan nous laisse pendant qu’il souffle. «Nous avons les lèvres gercées, c’est-à-dire couvertes de petites fentes sous l’effet du froid, les peaux rêches, rudes au toucher ; ce qui pousse les plus soucieux de leur apparence à passer à tout bout de champ des huiles à lèvres, des crèmes et pommades», précise-t-il. Selon ses explications, on note déjà à ce niveau une grande perte de temps qui va sûrement bloquer de nombreuses activités sans parler des retards à répétition dus au grand froid de l’harmattan et qui empêche la majorité des gens de se réveiller tôt ; et tout ceci n’est qu’une infime partie des conséquences engendrées par ce vent. Ainsi, poursuit-il, l’harmattan étant un vent poussiéreux, il est responsable de plusieurs pathologies telles que la grippe, le rhume à foison et à répétition surtout chez les tout petits et les affections pulmonaires. Il favorise également la prolifération du bacille de koch, responsable de la tuberculose qui est une maladie grave de même que les méningocoques responsables de la méningite qui sévit surtout dans les pays sahéliens. De plus, selon le spécialiste, avec l’harmattan, on note la présence de brume et de brouillard comme ce que nous avons observé dans la ville de Cotonou et alentours, le vendredi 16 janvier dernier, et ceci s’étend parfois sur plusieurs jours provoquant ainsi une nette augmentation des accidents de la circulation et des accidents aériens sans oublier la présence permanente de la poussière qui contribue à la réduction de la visibilité horizontale à moins de 100 mètres.

Des cache-nez pour protéger les voies respiratoires

Pour finir, l’harmattan empêche ou diminue grandement les précipitations pluvieuses. Alors de par son intensité et sa durée, il peut, prévient Brice Gérard Massessi, fortement influencer la production agricole. Des désagréments qui induisent naturellement des dispositions à prendre pour s’en prémunir.
Comme précautions à prendre, il suggère aux populations de se servir d’un cache-nez pour protéger les voies respiratoires ; chercher des pulls pour se prémunir du froid ; éviter de se réchauffer près des foyers de cuisine; porter des lunettes et conduire le plus lentement possible pour éviter les accidents de circulation. «Les médecins recommandent aussi de faire vacciner les enfants notamment contre la méningite et la grippe pendant cette période», assure-t-il.
Cependant, «L’harmattan, un vent méchant comme certains se plaisent à dire, présente aussi quelques avantages, surtout sur le plan environnemental. Une surveillance de la contamination des eaux de surface aurait montré une moindre DBO (Demande Biochimique en Oxygène), ce qui traduit une diminution de l’activité biologique et donc une diminution des pathogènes dans ces eaux », dévoile-t-il. On note également, poursuit-il, une diminution de la concentration des coliformes fécaux de même que la baisse de la concentration aérienne des amibes en période d’harmattan. Quelques publications, renseigne-t-il, ont aussi fait état d’une diminution de la transmission du paludisme, lorsque souffle l’harmattan.
«N’oublions pas non plus les avantages économiques avec la baisse sensible de la consommation d’air conditionné et les baisses de température que nous avons», retient-il, avant de faire remarquer le profit que ce vent apporte aux vendeurs de pull-over et de produits cosmétiques.
«On ne peut pas dire que l’harmattan ne crée que des désagréments sauf que ses inconvénients pèsent beaucoup plus que les quelques avantages qu’il offre», conclut-il.
Toutefois, selon lui, que l’harmattan est plus rude dans certaines régions. Au Bénin, rappelle-t-il, on remarque qu’il se montre plus rude au Nord et au Centre qu’au Sud.
En effet dans le Sud, explique le spécialiste, la proximité de la mer et des lagunes entraîne une humidité déjà plus grande des basses couches atmosphériques ; ce qui atténue les effets de l’harmattan qui est un vent sec. Il faut souligner que l’origine de l’harmattan (le Sahara et le Sahel) et sa direction Nord-Est à l’Est jouent aussi un grand rôle dans la différence de degrés observée. Ce vent avant d’atteindre le Sud passe par le Nord et le Centre qui servent de bouclier pour le Sud avec leurs reliefs et végétations.

Zone de convergence intertropicale

«L’harmattan repousse le front intertropical (FIT) au-dessus du golfe de Guinée. Il s’agit d’une zone de convergence entre les deux flux de surfaces : le flux de mousson humide du sud-ouest et le flux d’harmattan sec du nord-est. Alors la rencontre des deux masses d’air provoque des ascendances dans la troposphère moyenne au niveau de la zone de convergence intertropicale (ZCIT) située plus au sud du front intertropical et génère des pluies», explique-t-il. L’harmattan, selon Brice Gérard Massessi, en repoussant ce front va donc empêcher ou diminuer de manière considérable les précipitations pluvieuses sur l’ensemble de la région.
Logiquement, c’est la saison pluvieuse qui suivra l’harmattan étant donné qu’il souffle en pleine saison sèche et qu’après son départ, le front repoussé reviendra pour permettre la rencontre des masses d’air.
«Après l’harmattan, c’est la grande saison des pluies. Maintenant pour ce qui est de l’abondance des pluies liée à une certaine intensité de l’harmattan, on peut l’expliquer par les apports constants et abondants de vapeur d’eau par la mousson. », justifie-t-il, pour finir, laissant le choix aux climatologues de fournir des détails plus explicites.