La Nation Bénin...
Les 23 et 24 novembre derniers, la préfecture
de Lokossa a été particulièrement active aux côtés des acteurs de la
préservation de la réserve de biosphère autour de la bouche du Roy, située dans
le département du Mono. Non seulement une délégation de la structure, avec à sa
tête le préfet Bienvenu Milohin, est allée visiter la réserve et procéder à la
sensibilisation des populations du village riverain Lanhou, mais elle a tenu à
renforcer les capacités des parties prenantes de la préservation sur les dispositions
de l’arrêté préfectoral portant interdiction de l’exploitation des mangroves
dans le département.
Après avoir pris, le 30 juin dernier, l’arrêté
préfectoral portant interdiction de l’exploitation des mangroves dans le
département du Mono, ceci conformément à la loi-cadre sur l’environnement et
autres dispositions nationales, la préfecture de Lokossa a enclenché une série
d’actions de sensibilisation. Appuyées financièrement par la coopération
allemande à travers l’Ong Ecotourisme, la dynamique de la préfecture a impacté,
les 23 et 24 novembre derniers, des fonctionnaires des Eaux, Forêts et Chasse, et
leurs collègues de la Marine militaire et de la Police républicaine. Etaient
également conviés à la série d’activités, des cadres des mairies de Grand-Popo,
de Comé et des délégations venues des mairies de Ouidah et de Kpomassè, deux
communes du département de l’Atlantique, concernées par la problématique de
lutte contre les pressions humaines sur les mangroves et les autres composantes
de la réserve de biosphère autour de la bouche du Roy. Il a été question pour
chacune des catégories de participants de s’approprier sa mission dans la mise
en application efficace des dispositions de l’arrêté préfectoral, année 2023,
numéro 9/042/Pdm/Sgd/Pat/Sa/004Sgg23
portant interdiction de l’exploitation des mangroves. Pris en vue de souligner
« les nécessités de conservation et de valorisation de la diversité biologique,
des mangroves, des zones humides continentales, maritimes et côtières », le
premier des six articles de l’arrêté dispose: « Sont interdits sur tout le
territoire du département du Mono et spécifiquement dans les réserves de
biosphères, les aires communautaires de conservations et autres zones humides
continentales, maritimes et côtières des territoires des communes de
Grand-Popo, Comé et Bopa sous peine des sanctions prévues par les textes en
vigueur: l'exploitation, sous toutes les formes, des écosystèmes de mangroves
notamment l'abattage, l'ébranchage, l'arrachage et la mutilation des essences
forestières protégées principalement des palétuviers qui sont des espèces
forestières protégées en République du Bénin ;
la transhumance et/ou la vaine pâture dans les écosystèmes de mangroves; tout défrichement de bois et de broussaille à
moins de 25 mètres de part et d'autre le long des rives, des cours et plans
d'eau riches ou reboisés de mangroves ; toute mise à feu des espaces de
mangroves en conservation et/ou restaurés à des fins de séquestration de
carbone ; l'utilisation des pesticides et herbicides susceptibles de causer des
nuisances environnementales dans les zones de mangroves et marais ». L’article
2 précise que « Les présentes dispositions concernent aussi bien les domaines
publics que privés. L'exploitation de ces écosystèmes est subordonnée, en cas
de nécessité, à une autorisation spéciale délivrée par le ministre du Cadre de
vie et du Développement durable après délibération du conseil communal et
approbation du préfet ». « Les contrevenants aux dispositions de l'article
premier du présent arrêté seront punis conformément aux dispositions de la loi
numéro 93-009 du 2 juillet 1993 portant régime des forêts et de la loi no
2018-10 du 2 juillet 2018 portant protection, aménagement et mise en valeur de
la zone littorale en République du Bénin », complète l’article 3.
La réserve de biosphère
En prélude à la séance de renforcement de
capacités prévue au profit de ses hôtes sur leurs missions respectives, le
préfet Bienvenu Milohin et les responsables de l’Ong Ecotourisme ont tenu à
aller apprécier l’état des peuplements de la réserve de biosphère. Du moins, la visite s’est
déroulée entre Gbéhoué, précisément la place du 10 janvier, et Lanhou, dans
l’arrondissement d’Avlo, où les différentes délégations réparties dans trois
barques motorisées sont parvenues après une balade qui a duré plusieurs heures
dans la soirée du jeudi 23 novembre dernier. Et ce, malgré les caprices de la
nature par ces moments-ci où les marées haute et basse alternent chaque six
heures d’horloge. Le circuit emprunté par Lazare Dossa et ses confrères guides
touristiques a permis de voguer entre des colonies de mangroves et de
palétuviers et plusieurs autres curiosités fauniques dont les îles aux crabes
et aux oiseaux. Le détour dans la partie centrale de la réserve de biosphère,
une végétation verdoyante de mangroves estimée à environ 400 ha, restera la
grande attraction. Pour préserver cette verdure des assauts de ses riverains,
notamment des femmes en quête de bois de chauffage, il a fallu, au dire de
Gautier Amoussou, coordonnateur de l’Ong Ecotourisme, recourir au vodoun «
zangbéto » dont une représentation est installée au vu et au su de tous. Cette
divinité, à qui il est prêté la force de dissuader les voleurs, serait plus
crainte que les dispositions de la loi. Ne pouvant aller plus loin, parcourir
toute la réserve qui s’étend jusqu’à Kpomassè, dans le département de
l’Atlantique, compte tenu de la baisse du niveau des eaux fluviales et le
crépuscule qui pressait, le préfet et sa suite ont mis fin à leur randonnée par
une séance de sensibilisation des habitants de Lanhou, l’un des trois hameaux
du village de Koueta situé dans l’arrondissement d’Avlo.
Lanhou réclame le bois de chauffage
Aux populations de la localité qui se sont
bousculées pour l’accueillir, Bienvenu Milohin, le tout premier préfet à avoir
foulé le sol de Lanhou, a rappelé quelques dispositions de l’arrêté et souligné
que leur respect, spécifiquement la coupe des mangroves n’est pas négociable. A
l’en croire, à partir de sa visite, les contrevenants n’auront plus d’excuse
pour échapper à la rigueur de la loi. Mais en matière de respect des espèces
végétales à préserver, les habitants de Lanhou font des efforts, adhèrent à la
vision du gouvernement. La descente effectuée par le préfet au sein des
populations a été aussi l’occasion « de les féliciter, de renforcer leur degré
de conscience, mais également de les associer à cette activité de vulgarisation
et de sensibilisation de leurs pairs des autres hameaux environnants, à la
nécessité que cette lutte pour la préservation des mangroves soit une lutte
collective ».
Cependant, Lanhou manque de tout, selon Comlan
Richard Dégbey, chef du village. Outre les besoins d’eau de boisson, d'énergie
électrique, de marché, d’école et de centre de santé, la communauté d’environ
300 âmes réclame des alternatives pour la cuisson de ses aliments. Relativement
aux solutions alternatives pour la cuisson, Gautier Amoussou et son Ong
Ecotourisme qui s’impliquent activement dans le respect des dispositions de
l’arrêté préfectoral tentent d’introduire, dans les ménages de Lanhou, des foyers
économiques en matière de consommation de bois. Si ces initiatives sont
reconnues par le chef du village et des femmes, elles n’occultent pas le besoin
de bois de chauffage en remplacement des mangroves. Comlan Richard Dégbey
précise qu’il est question de les aider à trouver des espèces de bois de
chauffage qui prospèrent dans des zones marécageuses. Une requête qui n’est pas
tombée dans l’oreille d’un sourd. Puisque le préfet a demandé de commencer la
libération des espaces en vue de permettre l’organisation d’une campagne de
plantation qui, à l’en croire, pourrait avoir lieu en juin prochain, le mois
dédié au reboisement en République du Bénin. Concernant le reste de ses
préoccupations, le préfet a promis à Lanhou d’en parler avec le maire de
Grand-Popo dans une approche inclusive qui va pouvoir prendre en compte les autres hameaux riverains de la
réserve de biosphère.