Burkina Faso: Situation inquiétante
International
Par
Catherine Fiankan-Bokonga, le 29 juil. 2021
à
09h46
Alors que les attaques contre les civils et les forces de sécurité par des groupes djihadistes au Burkina Faso deviennent de plus en plus fréquentes, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés appelle à une action concertée pour faire face au nombre record de personnes forcées de fuir leur village et au-delà des frontières internationales. Plus de 1,3 million de Burkinabè ont été déplacés à l’intérieur du pays en un peu plus de deux ans, ce qui correspond à 6 % de la population. Le pays est aussi fortement touché par le changement climatique et, selon le Programme aimentaire mondial (Pam), il fait partie des pays qui pourraient être confrontés à des famines sans précédent en raison de pénuries alimentaires.
Au cours du briefing hebdomadaire de l’Office des Nations Unies à Genève, un des porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (Hcr), Babar Baloch, a annoncé que selon les derniers chiffres communiqués par le gouvernement du Burkina Faso, au cours du premier semestre 2021, 237 000 personnes ont fui leurs foyers vers d’autres parties du territoire, ce qui constitue une forte augmentation par rapport aux 96 000 enregistrées au cours du second semestre 2020. Cette situation alarme le Hcr car il constate une forte augmentation du nombre de personnes forcées de s’expatrier pour être en sécurité. Pour attirer l’attention de la communauté internationale, le 20 juin, lors de la Journée mondiale des Réfugiés, l’actrice américaine, Angelina Jolie, envoyée spéciale du haut-commissariat de l’Onu pour les réfugiés (Hcr), s’était rendue au camp de réfugiés de Goudebou, situé à une centaine de kilomètres de la frontière malienne.
Depuis janvier, plus de 17 500 personnes ont fui leur patrie vers les pays voisins, doublant presque le nombre total de réfugiés burkinabés en seulement six mois. Actuellement, on recense 38 000 réfugiés et demandeurs d’asile dans la région.
Le Niger voisin, par exemple, abrite 11 400 demandeurs d’asile, contre 7 400 au début de l’année. Au mois de juin, quelque 900 demandeurs d’asile sont arrivés en provenance du village de Solhan situé dans la province de Yagha où, au cours d’une attaque meurtrière au moins 160 personnes ont été tuées. Ce massacre constitue l’attaque la plus meurtrière au Burkina Faso depuis le début des violences jihadistes en 2015.
Pour sa part, le Mali accueille actuellement 20 000 demandeurs d’asile, dont 6 600 sont arrivés dans la région de Tombouctou en 2021. Comme les conditions de sécurité limitent l’accès humanitaire dans cette partie du pays, il est possible que ce nombre soit plus élevé.
Dans le nord du Bénin, une mission du Hcr a récemment enregistré 179 demandeurs d’asile. Mais des milliers d’autres vivraient dans des zones frontalières inaccessibles aux travailleurs humanitaires pour des raisons de sécurité. Le partenaire gouvernemental du Hcr au Bénin, le Comité national pour les réfugiés, prépare actuellement un plan d’urgence pour aider au moins 4 500 demandeurs d’asile. Poursuivant cette tendance inquiétante, la Côte d’Ivoire a accueilli 430 demandeurs d’asile Burkinabè en mai dernier. Selon la coordonnatrice du Système des Nations unies au Burkina Faso, Metsi Makhetha, le défi majeur est la sécurité physique, la protection des personnes et l’accès aux services sociaux de base.
Appel à une action concertée
Le Burkina est aussi victime de l’augmentation de la température, d’inondations, de sécheresse et d’autres catastrophes induites par le changement climatique. Au cours des deux ou trois dernières années, plus de 1,5 million de personnes ont été déracinées au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Quelque 13 millions de personnes, dont 7 millions d’enfants, ont un besoin urgent d’éducation, de nourriture, d’eau, d’abri et de santé. Selon les chercheurs, les températures moyennes dans le Sahel ont augmenté d’un degré Celsius entre 1950 et 2010, tandis que les précipitations annuelles moyennes ont diminué. D’ici aux années 2060, les températures devraient être supérieures de 1,2 à 3,6 degrés.
Le directeur du Pam, David Beasley, juge impératif que les dirigeants mondiaux allouent davantage de fonds à 12 pays qui courent le danger de subir des famines sans précédent aux proportions « bibliques» en raison de pénuries alimentaires. Les conditions se sont détériorées en Éthiopie, à Madagascar, au Sud-Soudan et au Yémen, tandis que la situation au Nigeria et au Burkina Faso est particulièrement préoccupante. Les familles vulnérables, qui représentent 10 % de la population Burkinabè, soit plus de 2 millions de personnes, ont actuellement une capacité très limitée à couvrir l’ensemble de leurs besoins alimentaires et nutritionnels. La situation de la malnutrition s’est considérablement détériorée chez les enfants de moins de cinq ans, et chez les femmes enceintes ou allaitantes.
Le Hcr réitère son appel à une action concertée en faveur de la paix et de la stabilité au Burkina Faso et dans les pays voisins du Sahel central, au Mali et au Niger, qui connaissent également une forte augmentation de la violence et des déplacements. D’après le porte-parole Babar Baloch, il est urgent d’accroître les ressources nécessaires pour répondre aux besoins humanitaires croissants au Burkina Faso et dans les pays voisins. Les besoins de financement du Hcr pour le Sahel central en 2021 s’élèvent à 259,3 millions de dollars. Jusqu’à présent, seule la moitié des fonds demandés ont été reçus.
Par Catherine Fiankan-Bokonga, Correspondante accréditée auprès de l’Office des Nations Unies à Genève (Suisse)