La Nation Bénin...
La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et la
Convention sur les relations consulaires de 1963 régissent entre autres les
relations diplomatiques modernes et tendent à codifier les fonctions,
privilèges et immunités des agents diplomatiques et consulaires. Dans
nombre de pays africains, asiatiques ou d’Amérique latine, les ambassadeurs des
grandes puissances, s’appuyant sur des programmes d’aide ou de sécurité,
multiplient les visites régionales, s’expriment dans les médias locaux,
rencontrent des opposants, et parfois, dictent des priorités gouvernementales.
La diplomatie se fait ici présence active, visible et normative, brouillant les
frontières entre coopération et ingérence.
Les
relations diplomatiques modernes sont régies par des instruments juridiques
internationaux dont la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de
1961 et la Convention sur les relations consulaires de 1963.
Ces
textes visent à garantir un équilibre entre les États, en codifiant les
fonctions, privilèges et immunités des agents diplomatiques et consulaires.
Selon
ces normes, l’ambassadeur représente l’État accréditant exclusivement auprès du
chef de l’État ou du ministère des Affaires étrangères de l’État accréditaire,
tandis que le consul peut établir des contacts avec les autorités locales et
les milieux économiques ou culturels.
Dans
les faits, cette distinction de rôles semble aujourd’hui largement brouillée,
notamment dans les États en développement, où les ambassadeurs des grandes
puissances étendent leur champ d’action bien au-delà des prérogatives prévues
par le droit.
Ils circulent librement, rencontrent les autorités locales, les milieux d'affaires, les représentants d'organisations civiles, et parfois même interviennent dans des processus politiques nationaux sous le prétexte de mission de coopération ou de développement.
Cette évolution soulève des interrogations légitimes : sommes-nous témoins d’une nouvelle forme de colonisation diplomatique ?
La
Convention de Vienne de 1961, en son article 3, définit clairement les
fonctions d’une mission diplomatique : représenter l’État accréditant, protéger
ses intérêts et ceux de ses ressortissants dans les limites permises par le
droit international, négocier avec le gouvernement de l’État accréditaire, et
s’informer, par tous les moyens licites, de la situation dans cet État.
Toutefois, cette information doit transiter exclusivement par les canaux
officiels. L’ambassadeur, selon cette logique, n’est pas censé dialoguer
directement avec des autorités locales ou intervenir dans des affaires
internes.
En
revanche, la Convention de Vienne de 1963 reconnaît au consul une fonction plus
souple et plus décentralisée. Celui-ci peut entrer en relation directe avec les
collectivités locales, les chefs d'entreprise, les universités, les groupes
culturels.
C’est
donc lui qui est autorisé, théoriquement, à agir au niveau local.
Cependant,
l’évolution des relations internationales depuis la fin de la guerre froide et
la montée en puissance du paradigme du développement ont modifié les pratiques.
Dans nombre de pays africains, asiatiques ou d’Amérique latine, les ambassadeurs des grandes puissances, s’appuyant sur des programmes d’aide ou de sécurité, multiplient les visites régionales, s’expriment dans les médias locaux, rencontrent des opposants, et parfois, dictent des priorités gouvernementales. La diplomatie se fait ici présence active, visible et normative, brouillant les frontières entre coopération et ingérence.
Ce qui est plus préoccupant encore, c’est l’asymétrie de cette pratique
En
effet, les ambassadeurs des pays dits "pauvres" sont, eux, tenus de
respecter strictement les limites de leurs fonctions, tant dans les pays
d’accueil que par les contraintes imposées par leur propre appareil
diplomatique.
Ils
sont rarement autorisés à mener des activités hors des canaux formels. Les
tentatives de contact direct avec les parlementaires, les entreprises ou les
Ong du pays hôte sont souvent vues comme suspectes, voire inappropriées.
Les
États puissants savent faire respecter leurs règles, et tout débordement d’un
ambassadeur du Sud est rapidement sanctionné diplomatiquement.
On
assiste ainsi à une rupture d’égalité dans l’application des normes
diplomatiques. Le droit codifié par les Conventions de Vienne s’applique de
manière rigide aux faibles, tandis qu’il est adapté avec souplesse aux intérêts
géopolitiques des puissants.
Cette réalité met à mal le principe de réciprocité diplomatique, fondement de l’égalité souveraine des États en droit international public.
Ce phénomène prend une dimension plus politique lorsqu’il s’inscrit dans une stratégie de soft power.
Le
langage de l’aide au développement devient alors un outil d’influence ; le
diplomate devient gestionnaire de projets, médiateur de conflits locaux, voire
prescripteur de normes sociales et politiques.
Certaines
chancelleries s’érigent en garantes de la bonne gouvernance locale, voire en
arbitres du jeu politique national.
Il
est permis de se demander si ce nouveau rôle diplomatique n’est pas le miroir d’une
substitution étatique, dans laquelle le représentant étranger prend de facto la
place des institutions locales affaiblies.
Ainsi,
dans de nombreux pays du Sud, la souveraineté partagée réelle ne se joue plus à
l’Onu ou à la Cour internationale de Justice, mais dans les rapports concrets,
quotidiens, entre les diplomates étrangers et les autorités locales ou sociétés
civiles.
L’ambassadeur
devient alors plus qu’un envoyé : il devient un acteur central de la vie
politique et économique du pays hôte. Cela représente un renversement préoccupant de
la pratique diplomatique.
Face
à cette réalité, plusieurs pistes doivent être explorées. Il convient d’abord
que les pays en développement réinvestissent leur politique étrangère,
renforcent leurs ministères des Affaires étrangères, et rappellent
systématiquement les obligations juridiques aux missions diplomatiques
étrangères.
Ces tendances méritent étude
En
définitive, l’expansion des activités diplomatiques des grandes puissances dans
les pays en développement, sous couvert de sécurité ou de développement,
reproduit parfois les logiques anciennes de domination.
Elle
interpelle la conscience juridique internationale et pose une question majeure
: la diplomatie contemporaine respecte-t-elle encore les principes fondamentaux
du droit international, ou tend-elle à les remodeler au gré des rapports de
forces ?
Une
réponse s’impose : la diplomatie moderne ne saurait être le paravent d’un
néocolonialisme sous couverture de coopération. Elle doit retrouver son cadre
juridique, sa finalité noble de dialogue entre États égaux, et son enracinement
dans le respect de la souveraineté.
La
colonisation a profondément façonné le monde moderne, laissant derrière elle
des structures de domination persistantes. Au-delà des indépendances
politiques, de nombreux peuples subissent encore les effets d’un ordre colonial
refondu en systèmes économiques, culturels et géopolitiques. Lutter contre ces
projets coloniaux contemporains implique une relecture critique de l’histoire,
de ses justifications idéologiques, et une reconnaissance des formes actuelles
de dépendance.
La
lutte contre les projets coloniaux n’est pas seulement la tâche des peuples
anciennement colonisés, mais un enjeu global.
L’héritage colonial ne se limite pas à un passé révolu ou à des frontières géographiques définies : il continue de structurer les relations internationales, les inégalités économiques, les systèmes éducatifs et même les imaginaires culturels.