La Nation Bénin...
Installé le 9 novembre 2015 par la Fifa, le Comité de normalisation du football béninois (Conor) est loin d’avoir achevé la mission qui lui avait été assignée, alors que le délai du 30 avril arrive à expiration dans quelques jours. Déjà, les supputations vont bon train. Que fera la Fifa? Démettre ses membres ou les reconduire tout simplement?
L’ambition de Gianni Infantino, en prenant la succession de Joseph Sepp Blatter à la tête de la Fifa, était de donner une autre dimension à la pratique du football au niveau des associations nationales membres. Celles qui l’ont compris, se sont déjà engagées dans cette dynamique et avancent. Mais d’autres, habituées à gérer les crises de leur football plutôt qu’à se consacrer à son développement, sont là en train de s’enliser davantage. En Afrique, ces associations sont légion.
C’est le cas en Guinée où, depuis quelques jours, le championnat national s’est arrêté, parce que la fédération a décidé de se payer sa crise. Le président de la Fédération guinéenne de football (Feguifoot), Salifou Camara, contesté depuis plusieurs semaines, a été suspendu par 11 des 15 membres de son Comité exécutif. C’est après qu’il ait limogé son secrétaire général, vendredi 15 avril dernier. Ses détracteurs ont déjà appelé à la tenue d’une assemblée générale extraordinaire le 15 juillet prochain. Il y a quelques semaines, ils avaient signé une pétition pour réclamer le départ de Camara, réélu en août dernier et accusé de gestion opaque des fonds de la Feguifoot. Soutenus notamment par les arbitres et les 8 ligues régionales, ils en appellent désormais à la "mise en œuvre du processus de normalisation" du football guinéen. Mais entre-temps, le championnat guinéen a été arrêté. Des experts de la Fifa et de la Caf, Prosper Abéga, Corvaro Primo et Amadou Diakité étaient, il y a quelques jours à Conakry.
Et comme si cela ne suffisait pas, c’est le football nigérian et sa fédération qui se sont aussi invités dans la crise. Depuis quelques semaines, rien ne va à la Fédération du Nigeria (NFF) avec un conflit qui oppose son actuel président, Amaju Pinnick, à Chris Giwa qui conteste son élection et a reçu le soutien de la justice.
En effet, la Cour de Justice de Jos dans un verdict qu’elle a rendu, vendredi 15 avril dernier, suite à un recours déposé par Chris Giwa, candidat malheureux des élections en 2014, ne reconnait pas Amaju Pinnick, ouvrant ainsi une autre crise. Giwa avait déjà tenté de faire invalider l’élection de Pinnick en vain, n’eut été l’intervention de la Fifa qui a reconnu la validité des assises. Auparavant, c’est l’élection de Giwa qui avait été invalidé par l’instance mondiale à cause de nombreux dysfonctionnements. Face à cette nouvelle situation, la NFF a fait appel de la décision de la Cour. Si l’affaire perdure, la Fifa, au motif d’une interférence du gouvernement dans les affaires du football, ne devrait pas tarder à réagir. Du boulot attend donc la Fifa en Guinée et au Nigeria, alors qu’elle est loin d’avoir démêlé les écheveaux avec la crise du football béninois qui perdure.
En effet, prenant la mesure de la situation, la Fifa, comme elle l’a fait dans d’autres pays, a nommé un Comité de normalisation avec à sa tête Me Rafiou Paraïso. La mission à lui dévolue par l’instance faîtière du football mondial, était de ramener la sérénité et de procéder à une reprise normale des activités footballistiques, y compris de l’équipe nationale, ainsi que d’organiser le congrès électif de la Fédération béninoise de football (FBF) au plus tard le 30 avril 2016.
Quel bilan pour le Conor ?
Passé l’exclusion par la Fifa de 3 de ses membres sur les 7 qu’il comptait au départ, le Conor a arrêté un chronogramme d’activités, qu'il s’est employé à exécuter. Par rapport à sa mission qui est relative au retour de la sérénité, il a rencontré tous les acteurs de la famille du football béninois, à son siège à Porto-Novo et au cours d’une tournée effectuée à travers tout le pays. L’objectif était de recueillir leurs préoccupations et leurs attentes par rapport aux maux dont souffre le football béninois. L’essence de la réconciliation, avaient indiqué les membres du Conor pour justifier leur démarche, était au prime abord de rencontrer les acteurs. Il en ressort que les acteurs rencontrés ont appelé de leurs vœux à l’organisation des championnats nationaux de transition. Ce qui est aujourd’hui une réalité. Ainsi, les stades ont repris droit de cité, que ce soit en ligue 1, en ligue 2 et en ligue 3, après que les clubs, au nombre d’une trentaine, aient rempli les cahiers de charges. Il en est de même avec le championnat régional, au niveau des ligues départementales. Bientôt le championnat féminin va suivre.
Dans la foulée, il y a aussi eu la double confrontation des Ecureuils du Bénin avec les Bright Stars du Soudan du Sud dans le cadre des 3e et 4e journées des éliminatoires de la Can Gabon 2017. Lesquelles ont été ponctuées par deux victoires qui redonnent espoir pour la qualification à la phase finale de Gabon 2017.
Par ailleurs, les équipes des catégories d’âge du Bénin ont été engagées dans les éliminatoires des Can U-20, Zambie 2017 et U-17, Madagascar 2017. L’organisation des différents championnats lancés depuis mercredi 2 mars à Djougou et qui s’anime actuellement, permettra de constituer ces sélections de catégories d’âge.
De même, le volet formation des acteurs n’a pas été occulté. C’est dans ce cadre que le Conor a négocié et obtenu auprès de la Fifa, la formation des arbitres en décembre 2015. Une autre est déjà programmée pour la fin de ce mois sous la houlette de l’expert malien Magassa Bekaye. Les capacités des secrétaires généraux de clubs ainsi que des commissaires au match ont été aussi renforcées, afin de leur permettre de mieux jouer leurs partitions au cours des différents championnats.
S’agissant donc de la relance des activités footballistiques, il n’y a rien à redire. L’évidence est là, quand bien même pour certains, l’organisation des championnats était subsidiaire.
Le week-end dernier, les stades béninois ont vibré aux rythmes des matches de la 10e journée de la Ligue 1 et de la 7e journée de la Ligue 2. Les clubs, en dépit des actions menées pour les démobiliser et les contraindre à abandonner, continuent de jouer dans l’espoir qu’ils bénéficieront enfin de la subvention que le Conor leur avait promise.
A chacun son opinion
Pour ce qui est de l’accomplissement de la mission de ramener la sérénité, les acteurs ont leurs points de vue. Les assises pour réfléchir sur le football béninois programmées dans ce cadre par le Conor, ainsi que la Nuit des anciennes gloires qu’il a annoncée, n’ont pu être organisées jusqu’à ce jour. Pour ce faire, il avait mis en place des commissions qui avaient déjà commencé les préparatifs des activités. Des dates avaient même été arrêtées. Il en est de même pour l’organisation du Congrès électif de la Fbf. Décidé à respecter rigoureusement le délai qui lui a été accordé, le Conor avait procédé à l’appel à candidatures pour l’élection du Comité exécutif de la Fédération et une date, le 4 avril dernier, retenue pour aller au congrès. Finalement, des difficultés financières auxquelles le Conor a été confrontées, n’ont pas permis leur tenue, alors que le délai du 30 avril arrive à expiration dans 6 jours.
Et pourtant, un projet de budget avait été soumis au gouvernement qui l’a adopté depuis décembre 2015. Il prenait aussi en compte la subvention des équipes qui participent aux différents championnats en cours. Autant d’acquis que d’obstacles rencontrés jusqu’à présent par les membres du Conor et leur président, Me Rafiou Paraïso, qui désormais ont leur destin entre les mains de la Fifa. Seront-ils en mesure d’organiser les assises et le congrès électif avant le 30 avril prochain ? Ou, doit-on, à l’expiration de ce délai, conclure tout simplement à leur incapacité à accomplir la mission qui leur a été assignée ?
Seule la Fifa nous fixera. De là qu’elle arrive à la conclusion que Me Rafiou Paraïso et les membres du Conor ont failli, elle devrait sans surprises les démettre et procéder carrément à leur remplacement comme c’était déjà le cas avec les Comité de normalisation installés au Togo, au Gabon et au Cameroun. Si elle ne trouvait rien à leur reprocher, elle prolongera alors leur mandat.
A supposer qu’elle le prolonge et que le gouvernement ne soit pas disposé à mettre le financement attendu à la disposition du Conor, ce sera toujours le statu quo. Certes, c’est l’Etat béninois qui, après avoir retiré son agrément à la Fbf et s’être retrouvé face à une situation qu’il n’arrivait plus à maîtriser, a dû appeler la Fifa et la Caf au secours. Mais avant d’installer le Conor, il a fallu que ces deux instances constatent par elles mêmes, la situation qui règne au niveau de la Fédération. Ce qui les a conduites à suspendre le Comité exécutif alors dirigé par l’honorable Augustin Ahouanvoébla.
Qu’elle démette Me Rafiou Paraïso et son équipe ou leur renouvelle sa confiance, il faudrait que la Fifa décline bien le contenu de sa mission qui vise à ramener la sérénité. Les contours de cette tâche sont bien loin d’être appréhendés. Faudrait-il y entendre nécessairement l’organisation d’assises financées par le gouvernement en place ? Si ces assises sont si nécessaires, pourquoi est-ce qu’elles n’ont pas eu lieu au Togo, au Gabon et au Cameroun ? Et pourquoi, la Fifa ne peut-elle, elle-même pas les financer ??