La Nation Bénin...
Les organisateurs de la première édition du Festival international de musique du Bénin (FIMuB) ont prévu la présence de plusieurs artistes de renom dont la vedette togolaise King Mensah. Avant cet évènement, le dernier séjour de l’artiste à Cotonou lui a donné l’occasion de lever un coin de voile sur ses projets actuels et futurs, à travers un entretien dont les détails importants sont livrés ci-dessous.
La Nation : King Mensah, tout porte à croire que Cotonou est devenu un second Lomé pour vous. Vous y êtes de plus en plus fréquent. Pourquoi ?
King Mensah : Depuis très longtemps, Cotonou est mon deuxième Lomé. Le Bénin est mon deuxième pays. Ma mère est Béninoise et mon père est Togolais. Je m’amuse souvent à dire aux gens que mon pays est plus grand que le Togo, mon pays est plus grand que le Bénin, et que je viens du To-Bé (Togo-Bénin). Donc, ici, c’est chez moi.
On a eu le dernier concert de King Mensah depuis 2013 à l’Institut français de Cotonou. A quand le prochain?
Il y a un concert que je prépare actuellement. Ce sera, peut-être, le 2 mai prochain au palais des Congrès de Cotonou, pour présenter mon huitième album.
Justement avant de parler de votre huitième album, qu’en est-il de la promotion du septième ?
Avec le septième album, on a fait un bon chemin. C’est un album où je parlais plus de moi-même, parce que quand je dis « Akpé », c’est pour dire « merci ». Pourquoi merci ? J’ai souvent dit que même si je suis en face de Dieu aujourd’hui, je lui dirai merci, parce qu’il a fait tout ce que j’attendais de lui dans ma vie. Quand tu parles comme ça, d’autres pensent que c’est parce que tu es milliardaire. Moi, je ne pense pas qu’on a besoin d’être milliardaire pour remercier Dieu. Je compare tout simplement la vie avec ma vie, là où j’étais avant et là où je suis aujourd’hui. Je mange avec appétit parce que j’ai l’habitude de regarder dans mon assiette. Je ne suis pas quelqu’un qui jette un coup d’œil dans la vie des autres pour voir qu’est-ce qu’ils font. Ma prière est réduite. Quand je me lève les matins, je ne me mets plus à genoux. C’est un peu paresseux, mais je me lève simplement, je dis merci, et les soirs je dis aussi merci. Parce que ce qu’il a fait dans ma vie est énorme. On n’a pas besoin d’être président pour dire merci à Dieu.
On entend dire que le huitième album est composé de cinq titres !
En réalité, j’ai beaucoup plus de chansons que ça. Je pouvais même aller jusqu’à 15 ou 20 chansons. Mais j’ai pensé que j’allais sortir l’album l’année prochaine pour fêter mes 20 ans de carrière. Comme l’album doit sortir en 2016, je ne vais pas quand même laisser le public pendant un an. J’ai juste alors prévu un album de cinq titres pour accompagner mon public. Cet album s’appelle «So Ké», cela veut dire «qu’on se pardonne». Je crois que le «pardon» fait partie de la racine de l’union, de la paix. Et je pense que l’Afrique a besoin de cela aujourd’hui.
L’une des caractéristiques majeures qu’on connaît à la musique de King Mensah, c’est la dominance de l’instrumental. Est-ce que le 8è album est resté fidèle à cela ?
Il y a un peu ça. Comme on dit chez nous, on ne change pas une équipe qui gagne. J’ai poussé un peu le public à aimer ce que je fais. Je pense toujours à mon public et je lui suis demeuré fidèle.
Comment se passera concrètement l’année prochaine avec la célébration de vos 20 ans de carrière musicale, un grand spectacle, un single ou un album spécial?
Plutôt un album spécial. Je ne sais pas encore si cela va faire 10 ou 20 titres. Il faut un grand travail. Ce n’est pas un concert que je veux faire. Je prévois des concerts, pas seulement au Togo et au Bénin, mais dans les grandes villes pour remercier mon public qui m’accompagne jusqu’aujourd’hui…. Je ne dis pas que c’est mon public que j’ai mis dans mon sac. Heureusement qu’ils sont avec, c’est pour cela que je suis debout aussi. Donc, je vais faire une tournée avec moi, un nouvel album sur lequel, il y aura beaucoup de choses, des personnes que j’ai rencontrées sur mon chemin, que j’admire et que je respecte.
En dehors des 20 ans de carrière, les autres projets par rapport à King Mensah?
Je continue toujours mon projet d’orphelinat. Mon petit rêve, c’est de monter l’orphelinat au Sud et au Nord. C’est ce combat que je suis en train de faire aujourd’hui. Quand on naît dans une famille pauvre, je pense qu’à un moment donné, on est obligé de retourner l’ascenseur. Pour moi, c’est important. Je suis un enfant de pauvre, je le dis avec fierté. Mais en même temps, je dis à tout le monde que j’ai fait de ma pauvreté une richesse. Heureusement que j’étais pauvre, ça m’a plus poussé à travailler dur, à penser, à faire d’autres choses, à ne pas regarder que le bout de mon nez, à regarder un peu plus loin que ça.
Pourquoi autant d’engagement?
Prenons ce que j’ai aujourd’hui. Je ne compare pas ce que j’ai à ce que les autres ont. Mais je dis que ce que j’ai aujourd’hui, c’est un grand cadeau de Dieu. Et de l’autre côté, comme Dieu nous demande de nous occuper des orphelins et des pauvres, je me suis dit : je m’engage à cette tâche. Il ne faut pas oublier que j’ai perdu mon père à l’âge de 13 ans. Je sais ce que cela signifie d’aller à l’école et de ne pas avoir l’argent du petit déjeuner. On vous renvoie de l’école parce que vous ne pouvez pas payer les droits d’écolage, ou parce que parfois, vous n’avez pas de stylo. On a traversé tout cela. Mais à un moment donné, j’ai des cartons de stylos et de cahiers chez moi. Il faut que ça soit partagé. C’est un peu ça mon engagement. Je ne fais pas seulement mon lit quand je me couche. Je pense aussi aux autres. Et cela me fait vivre. En même temps que je fais ça pour les autres, je le fais pour moi-même. Même si on me demande d’arrêter aujourd’hui tout ce qui touche mon côté social, c’est comme si on m’invite simplement à me mettre une balle dans la tête.
Comment est-ce que King Mensah entrevoit son avenir ?
Demain ne nous appartient pas. Je dis que le passé est comme ça, le présent est comme ça et que le futur n’existe même pas dans ma vie. Je fais partie de ceux qui ne croient pas au paradis. Là où je voulais être dans ma carrière, je l’ai déjà dépassé. Je ne sais pas ce que je cherche là maintenant. Je fais partie d’une famille où papa et maman dorment dans le lit, et nous les enfants, dormions sur les nattes par terre. Aujourd’hui, je ferme le portail pour sortir de chez moi. Si tu entres chez moi, il y a beaucoup de chambres. Il y en a qui sont même vides. Si Dieu me donne encore la vie, je suis en train de penser à avoir encore des studios, des salles de spectacles au Togo et au Bénin, pousser les jeunes à faire de la bonne musique, parce que chez nous en Afrique, la musique conseille. On dit chez nous que c’est le coq qui réveillait les gens au village. Aujourd’hui, les artistes doivent réveiller les consciences. Il y a des sons ou des clips qui, lorsque tu les écoutes ou les regardes à la télévision, tu as envie de te mettre une balle dans la tête. Or avant, on nous éduquait avec les chansons qui parlaient aux coeurs, mais aujourd’hui il n’y a plus ça. Mon rêve, c’est d’abord une école, des salles de spectacles et puis des studios pour encourager les jeunes à aller plus loin. Je dis avec la main droite sur le cœur que je n’ai pas fini ma vie sur scène. J’ai vu des artistes qui sont montés sur scène, et ont oublié carrément leurs chansons. Si j’oublie mes chansons sur scène, je vais faire pleurer mon public. A un moment donné, il faut stopper. Mais ce ne serait pas aujourd’hui, ni demain. Toutefois, je pense que je ne resterai pas encore longtemps.
Est-ce que vous pensez que la relève n’est pas encore assurée ?
C’est une très bonne question. Il faut qu’on arrête de jeter la pierre aux autres. Je pense que dans la vie, quand tu vois quelqu’un qui court, quand tu es seul, tu penses toujours que t’es le meilleur. Mais quand tu vois quelqu’un qui va un peu plus vite, ça donne envie d’aller un peu plus loin. Du moment où nous, on courrait pour aller un peu plus loin, on ne savait pas que les enfants allaient se retourner. Eux, ils se sont retournés. Moi, quand je vois quelqu’un qui court, j’ai envie de le dépasser. C’est pour pouvoir les former que je pensais avoir une école et des salles de spectacles, on ne l’a pas pensé un peu plutôt. Ce sont de grands noms comme Poly Rythmo, Danialou Sagbohan, qui nous ont poussé à aller à ce niveau-là. Nous, on ne pensait pas que les enfants allaient croiser les bras et nous laisser courir.
A propos, quels rapports entretenez-vous avec ces artistes béninois de la vieille génération, et même avec les jeunes dont la formation vous préoccupe si tant ?
Moi, je n’arrive pas à me détacher de Sagbohan. Pour moi, c’est un père. Dernièrement, j’ai joué avec Poly Rythmo,… C’est eux qui ont tracé cette route sur laquelle nous marchons aujourd’hui. Moi, j’ai vraiment du respect pour les artistes béninois et togolais. Au Togo, mes jeunes frères qui viennent savent, que je suis le seul artiste qui fait jouer les autres artistes. J’ai fait jouer l’année dernière plus d’une soixantaine d’artistes Gospel, Hip Hop, Rap, traditionnels,… J’aime vraiment tout le monde parce que pour moi, ce que j’ai, c’est un cadeau. C’est vraiment un cadeau. Parfois, je me demande si je mérite tout ce que j’ai.
Propos recueillis par Josué F. MEHOUENOU