La Nation Bénin...
L’exposition
de photographie que présente, ce samedi 12 octobre, Tognidaho Emmanuel Tometin
n’est pas qu’un simple focus sur son œuvre. Elle est aussi et surtout
l’illustration d’une passion doublée d’engagement et de combativité. Le jeune
photographe qui invite le public à plonger au cœur de son art vient de loin.
Quand
on l’interroge sur ce qu’il serait devenu si son chemin n’avait pas croisé
celui des arts, il répond dans le rire moqueur et railleur que lui connaissent
ses proches, « électricien bâtiment… On voulait que je sois un peu comme
le type qui répare les ventilos en panne ». Non pas pour dévaloriser ce
métier, mais pour expliquer un peu à quelles fins le prédestinait sa famille
après ses échecs scolaires. Enfant de rue, gamin sans lendemain, vendeur au
coin de rue… L’homme qui se cache aujourd’hui derrière la belle signature
« Tognidaho » sur de nombreuses œuvres photographiques à travers le
monde est passé par le tunnel de l’incertitude avant de trouver sa voie. Si le
quartier Fidjrossè à Cotonou et ses plages n’ont aucun secret pour lui, c’est
parce qu’il y a passé le clair de son enfance. Sa petite bande d’enfants errants
et lui ont écumé les coins et recoins de cette zone résidentielle.
A Emmanuel, l’école n’a pas vraiment souri. Et passé l’épisode du petit garçon insouciant, il a fini par plonger dans de petits jobs. La formation en électricité, il la fera aussi. Non pas pour finir réparateur, mais c’est la branche de l’électricité-bâtiment qu’il choisit et va au bout de la formation. Mais cette voie ne lui convient pas. Il retourne à la rue et excelle dans la vente de tout ce qui lui passe sous la main. Et c’est là que l’art s’ouvre à lui. Il met ses talents de comédien au service de quelques troupes de théâtre, y compris le mythique groupe de comédie de Pipi Wobaho. Il enchaîne les rôles sur différents plateaux, mais aussi les rencontres. Il croise certains noms peu et bien connus de l’arène culturelle. Son carnet d’adresses se diversifie. Ses contacts avec ces gens changent sa vision de lui-même et de son potentiel. Il apprécie l’art et veut en faire sa chose. Mais tout ça est encore flou dans sa tête. Il ne s’y connait pas et ne sait pas trop bien comment fonctionnent les choses. Et c’est dans cette quête du soi pour se révéler à soi-même qu’il fera la rencontre de sa destinée : Laudamus Sègbo. Celui qui était un parfait inconnu pour lui va devenir en un laps de temps son maître absolu. Le plasticien était encore dans ses beaux jours et son atelier, un lieu de grand enseignement. Tognidaho y fera ses armes. C’est là qu’il s’initie à l’art mais aussi à la réalisation audiovisuelle. Il faut dire plutôt qu’il a été un touche-à-tout, au point de faire ses premiers pas en administration culturelle. Ses notions élémentaires lui permettent de s’exercer à la réalisation des clips, au montage vidéo et bien plus encore.
Comment un apprenti électricien arrive-t-il à tenir la plus grande plateforme d’informations culturelles du Bénin ? C’est une question à se poser quand on connaît le parcours du promoteur. Mais pour lui, les choses sont allées vite, peut-être même à un rythme qu’il ne soupçonnait pas. De la réalisation des films et clips, il va exceller après des formations çà et là, au point de se prendre le rôle de directeur artistique du groupe « Les Frères Guèdèhounguè ». Au détour d’une tournée avec son groupe aux quatre coins du pays, il s’interroge sur la richesse de l’art et de la culture du pays. Il veut en faire quelque chose pour la postérité, d’où l’idée d’une plateforme culturelle. Nouvelle ambition, nouveaux obstacles. Le futur promoteur n’a aucune connaissance de ce nouveau secteur qui lui tend les bras. Une fois de plus, il va s’appuyer sur son carnet d’adresses pour donner corps à ce rêve. La création de la plateforme Dekartcom.net va laisser place à un autre besoin. Quand Tognidaho scrute les besoins de son média, il se rend compte d’un déficit d’images et d’émotions pour accompagner certaines publications et rendre compte des spectacles. Il décide d'explorer cette nouvelle piste et de s’y consacrer corps et âme. Ce qui n’était au départ qu’une envie, sinon même un caprice va devenir le rêve de toute une vie. Aujourd’hui, il braque son objectif sur tous les grands noms de la scène du continent africain et même au-delà. Cotonou, Lomé, Dakar, Abidjan, Libreville, et bien d’autres scènes européennes lui sont devenues si familières. Il y a capté les plus belles émotions de scène. Sous-estimée par les artistes eux-mêmes et par une bonne part de l’écosystème culturel, la photographie de scène est devenue la raison d’être de Tognidaho. Il lui a donné une place prépondérante et il s’amuse à mémoriser çà et là, sourires, gestes, émotions, expressions artistiques de toutes sortes. Photographe d’exception, il est devenu et parvient à apporter une plus-value à chaque scène qu’il arpente. Combien étonnés n’ont pas été des artistes de ses prises ! La touche créative faite de contemporanéité et d’instantanéité qu’il apporte à son art l’inscrit dans une démarche artistique peu connue jusque-là. Quand il pose le doigt sur son déclencheur, ce n’est jamais par hasard. Il sait à peu près le résultat qui en sortira et ses objectifs le lui rendent si bien. Son œuvre est la somme de diverses influences de la photographie, mais Tognidaho ne se revendique aucun maître. Il est son propre art et puis son inspiration dans toutes les formes d'expression artistique qui défilent sous ses yeux.
Tognidaho rêve beau et grand. Il veut devenir un magnat de la scène culturelle africaine, non pas seulement avec ses captures de scène, mais aussi en s’investissant davantage dans l'entrepreneuriat culturel. « Je suis dans le domaine depuis plus de 15 années et cela m’a permis d’être au contact des réalités de la scène artistique du Bénin et d’Afrique. Nous avons sur ce continent des artistes au talent, à la créativité inouïs. Mais très souvent leur carrière ne reflète pas toutes les potentialités qui sont les leurs », soutient-il. «Nous avons des artistes, dont les œuvres ne jouissent pas toujours d’une bonne visibilité par défaut d’espaces de diffusion ». C’est là, un autre vide qu’il s’emploie à combler. D’où l’idée de créer cette plateforme pour rendre ces talents africains davantage visibles et les faire exister dans l’univers du numérique qui est loin d’être optionnel aujourd’hui.
Tout
n’a pas été rose pour lui depuis qu’il s’emploie à donner plus de visibilité
aux artistes à travers sa plateforme. Des hauts et des bas aussi. Mais il en
faudra plus pour avoir raison de sa foi en un avenir plus radieux. Plus d’une
fois, il a songé à tout laisser tomber. Vendre sa plateforme lui a été proposé
maintes fois. Par moments, il a été tenté d'y adhérer avant de toujours se
ressaisir. «Etre entrepreneur, c'est avoir une vision… c'est être capable de
pleurer seul dans sa chambre, mais de sortir et de sourire devant tout le monde
». Cela suffit-il à le décourager ? Non ! « On parle de géant
dans le pétrole et dans d’autres secteurs, mais je n'ai jamais entendu parler
de géant de la culture. Et c’est ce que je veux devenir ». Un géant de la
culture au Bénin et sur le continent. Tout le rêve que caresse actuellement le
jeune photographe de scène dont des œuvres sont à découvrir à partir du 12
octobre à la salle des expositions de Africa sound city à Cotonou■