La Nation Bénin...

Portrait: Sindy Lucrèce Banco, une Afrodescendante pour qui tout marche

Culture
Sindy Lucrèce Banco Sindy Lucrèce Banco

« Va où ton cœur t’emmène. Là se trouve ton bonheur ». Cette citation marche pourtant très bien pour Sindy Lucrèce Banco. La trentaine, cette Afrodescendante en quête de réussite et même de bonheur s’épanouit au Bénin où elle parade entre mille et un projets qui semblent tous lui réussir. 

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 13 mai 2025 à 07h56 Durée 3 min.
#portrait

‘’She is art’’. Ce n’est pas au hasard qu’elle s’est tatoué ces trois mots sur l’un de ses bras. Prémonition ? On ne saurait le dire. Mais pour elle, l’art est et reste « the place to be ». Des expériences professionnelles, elle en a enchaîné dans maints domaines, les uns aussi prometteurs que les autres. Marketing, représentation commerciale, responsabilités administratives de tous ordres. Mais rien de tout cela n’aura suffi. L’appel de l’art a été plus fort que tout. Elle n’y a pas résisté. Désormais, elle s’y plait, tisse sa niche au point de mettre au point sa propre ligne de vêtements. Sindy Lucrèce Banco est un jeune talent dont les mutations successives ne visent qu’un seul objectif, suivre sa passion. Désormais à cheval entre Cotonou et Paris, la jeune afrodescendante enchaîne les projets. Le Bénin, elle ne l’a connu qu’en 2022. Dans une période de forte envie de reconversion professionnelle, elle s’était offert un voyage. Changer d’air, voir du nouveau, écumer quelques sites et lieux de détente dont elle avait entendu parler sur Instagram. C’était son projet de trente jours de découverte répartis entre le Bénin, le Ghana et le Sénégal. Mais rien ne se déroulera comme prévu. Sindy boucle ses dix jours entre Cotonou et quelques autres villes, monte sur le Ghana mais ne verra pas la terre sénégalaise. Elle va plutôt revenir au Bénin pour un long séjour qui se convertit en contrat de travail auprès d’une maison de cosmétiques.

Ce tournant de sa vie personnelle et professionnelle, elle ne l’avait pas planifié. Désormais en tout cas, sur cette terre d’où ses ancêtres n’auraient jamais dû partir, elle se pose presque en conquérante. Tout ou presque lui marche. Son nouveau monde se crée autour d’elle. Mais qui dit Sindy dit mutation permanente. Son nouveau job, la jeune femme au sourire enchanteur le prend sans hésiter. Elle s’y adonne. Plusieurs mois sont passés. La commerciale très futée qui décrochait çà et là des contrats pour sa nouvelle boîte décide de déposer les clés. « Pour des raisons personnelles, je n'ai pas voulu continuer. Il me manquait des informations qui m'auraient permis d'être plus à l'aise dans l'activité. Je ne les avais pas. Quand on parle de produits cosmétiques, cela veut dire des produits à mettre sur la peau. C'est mieux d'être sûr de ce que l’on fait. Je ne suis pas en train de dire que ce n'était pas bon. Malheureusement, je n'avais pas accès à certaines informations qui, pour moi, étaient importantes pour mon rôle », soulève-t-elle.

 

Une première immersion réussie

A la suite de cette première expérience qu’elle qualifie plutôt de « première immersion », Sindy fait ses bagages. Le Bénin, elle ne le reverra qu’en 2024. Cette fois, c’est la bonne. Elle vient pour y rester, s’installer et y vivre. Comme d’autres Afrodescendants, elle n’a pas non plus attendu la loi N° 2024-31 du 02 septembre 2024 relative à la reconnaissance de la nationalité béninoise aux Afrodescendants en République du Bénin avant de se décider à vivre dans le pays. D’ailleurs, elle n’en a entendu parler que quelques jours avant nos échanges. « Je suis revenue en 2024 avec une idée un peu plus précise. Et là, j'ai décidé de lancer ma marque de vêtements». Celle qui ne respire que par l’art trouve sa voie. « Je ne suis pas styliste… Je suis autour d'un concept qui met en avant le côté recyclé des vêtements », explique-t-elle.

La tendance s’y prête quand on suit la logique de la jeune afro. En France et plus généralement en Europe, le débat autour de la fast fashion et ses effets pervers fait rage. Sindy elle y voit une opportunité, pour partir du recyclé et revenir en mode Tendance. Mais cette idée a germé aussi de son style personnel. Ses vêtements qu’elle se fait selon ses inspirations ont fini par faire des émules autour d’elle. Beaucoup s’y sont intéressés et se disaient prêts à passer des commandes. Autant de choses qui ont fini par la convaincre de se lancer. Pour son projet, le marché de friperies de Missèbo a été la première source de ravitaillement. Mais le retour à Cotonou n’a pas été que pour les matières premières. «J’ai appris à négocier. Je voulais aussi développer le côté artistique qui a toujours été présent dans toutes mes passions ». Ces choses, Cotonou, Abomey, Ouidah et autres villes du Bénin les ont enseignées à Sindy. Et même si l’art a été sa passion de vieille date, elle ne se voyait pas en faire une activité au point de devenir entrepreneure dans le secteur. Ces derniers mois, la jeune afro, la trentaine révolue, s’est donnée corps et âme à son projet vestimentaire. Tout est bien peaufiné désormais. La finition qui était un souci majeur pour elle l’est moins depuis sa collaboration avec quelques stylistes locaux qui ont fini par pénétrer son projet. Un projet qui pour l’instant se tourne vers une clientèle autre que celle locale. « Pour l'instant, je n’ai pas l'impression qu'ici, l’on soit très ouvert aux vêtements recyclés. Les vêtements neufs, c'est ce qui passe bien ».

Mal vue au départ 

Si au plan business, la jeune Afro semble bien prendre ses marques, elle ne peut pas en dire autant côté intégration. Le choc des cultures, la venue d’ailleurs qui se heurte aux réalités de son nouveau milieu, les regards sur son look, la collaboration avec le voisinage… Sur bien de plans, Sindy ne s’en est pas toujours bien sortie. Elle se souvient bien des couacs qui ont fini par l’obliger à mettre un terme à son premier contrat qu’elle appréciait bien. « Mais ce que j'ai pu remarquer, c’est qu'il y a ce côté un peu secret où on ne peut pas forcément tout dévoiler », relate-t-elle. Son envie d’en savoir davantage sur les compositions des produits cosmétiques dont elle assurait le marketing n’a pas été très bien vue. La confiance, retient-elle comme leçon dorénavant, n’est pas la chose qui s’installe aussi facilement. «Pis, quand ce sont des gens qui ne viennent pas vraiment du pays. Ça m'a aussi permis d'apprendre, d'appréhender la mentalité béninoise, si je peux dire ça comme ça. Bien qu'en sachant qu'une personne ne correspond pas à tout un pays», pense-t-elle.

Alors que ses attraits d’afrodescendant devraient lui permettre de passer dans les rues de Cotonou sans grand souci de différenciation, Sindy se heurte à quelques regards interrogateurs, sans doute en raison de son style, mais aussi de ses tatouages. Elle ne l’ignore pas.

« Quelque part, tout le monde me regarde tout le temps. Je pense à cause de mon look. Au début, c'était compliqué. Mais au fur et à mesure, je me suis habituée. Je pense que c'est quelque chose qui m'a permis de développer encore plus ma confiance en moi», se réjouit-elle. « Être un peu un ovni dans une foule. Soit on n'y arrive pas, soit on y arrive», tranche-t-elle. Père capverdien, mère guadeloupéenne, petit frère béninois… « Notre famille est assez complexe », reconnait-elle. Mais cela ne l’empêche pas de se consacrer avec la même intensité à ses projets qu’à sa famille. Elle pourrait d’ailleurs s’établir définitivement au Bénin, à condition d’y vivre avec son jeune frère, l’autre prunelle de ses yeux. Parlant de ses projets, elle développe beaucoup de collaborations et de partenariats dans le milieu des arts au Bénin. Sébastien Boko, Charbel Koffi, Anna Korver… Avec chacune de ces galeries, Sindy finalise des projets d’envergure dont les impacts se feront sentir sous peu. Dans le même temps, elle se montre très engagée dans des initiatives culturelles ludiques et patrimoniales entre le Bénin et les communautés afrodescendantes.