La Nation Bénin...
«
Va où ton cœur t’emmène. Là se trouve ton bonheur ». Cette citation marche
pourtant très bien pour Sindy Lucrèce Banco. La trentaine, cette
Afrodescendante en quête de réussite et même de bonheur s’épanouit au Bénin où
elle parade entre mille et un projets qui semblent tous lui réussir.
‘’She
is art’’. Ce n’est pas au hasard qu’elle s’est tatoué ces trois mots sur l’un
de ses bras. Prémonition ? On ne saurait le dire. Mais pour elle, l’art est et
reste « the place to be ». Des expériences professionnelles, elle en a enchaîné
dans maints domaines, les uns aussi prometteurs que les autres. Marketing,
représentation commerciale, responsabilités administratives de tous ordres.
Mais rien de tout cela n’aura suffi. L’appel de l’art a été plus fort que tout.
Elle n’y a pas résisté. Désormais, elle s’y plait, tisse sa niche au point de
mettre au point sa propre ligne de vêtements. Sindy Lucrèce Banco est un jeune
talent dont les mutations successives ne visent qu’un seul objectif, suivre sa
passion. Désormais à cheval entre Cotonou et Paris, la jeune afrodescendante
enchaîne les projets. Le Bénin, elle ne l’a connu qu’en 2022. Dans une période
de forte envie de reconversion professionnelle, elle s’était offert un voyage.
Changer d’air, voir du nouveau, écumer quelques sites et lieux de détente dont
elle avait entendu parler sur Instagram. C’était son projet de trente jours de
découverte répartis entre le Bénin, le Ghana et le Sénégal. Mais rien ne se
déroulera comme prévu. Sindy boucle ses dix jours entre Cotonou et quelques
autres villes, monte sur le Ghana mais ne verra pas la terre sénégalaise. Elle
va plutôt revenir au Bénin pour un long séjour qui se convertit en contrat de
travail auprès d’une maison de cosmétiques.
Ce
tournant de sa vie personnelle et professionnelle, elle ne l’avait pas
planifié. Désormais en tout cas, sur cette terre d’où ses ancêtres n’auraient
jamais dû partir, elle se pose presque en conquérante. Tout ou presque lui
marche. Son nouveau monde se crée autour d’elle. Mais qui dit Sindy dit
mutation permanente. Son nouveau job, la jeune femme au sourire enchanteur le
prend sans hésiter. Elle s’y adonne. Plusieurs mois sont passés. La commerciale
très futée qui décrochait çà et là des contrats pour sa nouvelle boîte décide
de déposer les clés. « Pour des raisons personnelles, je n'ai pas voulu
continuer. Il me manquait des informations qui m'auraient permis d'être plus à
l'aise dans l'activité. Je ne les avais pas. Quand on parle de produits
cosmétiques, cela veut dire des produits à mettre sur la peau. C'est mieux
d'être sûr de ce que l’on fait. Je ne suis pas en train de dire que ce n'était
pas bon. Malheureusement, je n'avais pas accès à certaines informations qui,
pour moi, étaient importantes pour mon rôle », soulève-t-elle.
Une première immersion réussie
A
la suite de cette première expérience qu’elle qualifie plutôt de « première
immersion », Sindy fait ses bagages. Le Bénin, elle ne le reverra qu’en 2024.
Cette fois, c’est la bonne. Elle vient pour y rester, s’installer et y vivre.
Comme d’autres Afrodescendants, elle n’a pas non plus attendu la loi N° 2024-31
du 02 septembre 2024 relative à la reconnaissance de la nationalité béninoise
aux Afrodescendants en République du Bénin avant de se décider à vivre dans le
pays. D’ailleurs, elle n’en a entendu parler que quelques jours avant nos
échanges. « Je suis revenue en 2024 avec une idée un peu plus précise. Et là,
j'ai décidé de lancer ma marque de vêtements». Celle qui ne respire que par
l’art trouve sa voie. « Je ne suis pas styliste… Je suis autour d'un concept
qui met en avant le côté recyclé des vêtements », explique-t-elle.
La
tendance s’y prête quand on suit la logique de la jeune afro. En France et plus
généralement en Europe, le débat autour de la fast fashion et ses effets
pervers fait rage. Sindy elle y voit une opportunité, pour partir du recyclé et
revenir en mode Tendance. Mais cette idée a germé aussi de son style personnel.
Ses vêtements qu’elle se fait selon ses inspirations ont fini par faire des
émules autour d’elle. Beaucoup s’y sont intéressés et se disaient prêts à
passer des commandes. Autant de choses qui ont fini par la convaincre de se
lancer. Pour son projet, le marché de friperies de Missèbo a été la première
source de ravitaillement. Mais le retour à Cotonou n’a pas été que pour les
matières premières. «J’ai appris à négocier. Je voulais aussi développer le
côté artistique qui a toujours été présent dans toutes mes passions ». Ces
choses, Cotonou, Abomey, Ouidah et autres villes du Bénin les ont enseignées à
Sindy. Et même si l’art a été sa passion de vieille date, elle ne se voyait pas
en faire une activité au point de devenir entrepreneure dans le secteur. Ces
derniers mois, la jeune afro, la trentaine révolue, s’est donnée corps et âme à
son projet vestimentaire. Tout est bien peaufiné désormais. La finition qui
était un souci majeur pour elle l’est moins depuis sa collaboration avec
quelques stylistes locaux qui ont fini par pénétrer son projet. Un projet qui
pour l’instant se tourne vers une clientèle autre que celle locale. « Pour
l'instant, je n’ai pas l'impression qu'ici, l’on soit très ouvert aux vêtements
recyclés. Les vêtements neufs, c'est ce qui passe bien ».
Mal vue au départ
Si
au plan business, la jeune Afro semble bien prendre ses marques, elle ne peut
pas en dire autant côté intégration. Le choc des cultures, la venue d’ailleurs
qui se heurte aux réalités de son nouveau milieu, les regards sur son look, la
collaboration avec le voisinage… Sur bien de plans, Sindy ne s’en est pas
toujours bien sortie. Elle se souvient bien des couacs qui ont fini par
l’obliger à mettre un terme à son premier contrat qu’elle appréciait bien. «
Mais ce que j'ai pu remarquer, c’est qu'il y a ce côté un peu secret où on ne
peut pas forcément tout dévoiler », relate-t-elle. Son envie d’en savoir
davantage sur les compositions des produits cosmétiques dont elle assurait le
marketing n’a pas été très bien vue. La confiance, retient-elle comme leçon
dorénavant, n’est pas la chose qui s’installe aussi facilement. «Pis, quand ce
sont des gens qui ne viennent pas vraiment du pays. Ça m'a aussi permis
d'apprendre, d'appréhender la mentalité béninoise, si je peux dire ça comme ça.
Bien qu'en sachant qu'une personne ne correspond pas à tout un pays»,
pense-t-elle.
Alors
que ses attraits d’afrodescendant devraient lui permettre de passer dans les
rues de Cotonou sans grand souci de différenciation, Sindy se heurte à quelques
regards interrogateurs, sans doute en raison de son style, mais aussi de ses
tatouages. Elle ne l’ignore pas.
« Quelque part, tout le monde me regarde tout le temps. Je pense à cause de mon look. Au début, c'était compliqué. Mais au fur et à mesure, je me suis habituée. Je pense que c'est quelque chose qui m'a permis de développer encore plus ma confiance en moi», se réjouit-elle. « Être un peu un ovni dans une foule. Soit on n'y arrive pas, soit on y arrive», tranche-t-elle. Père capverdien, mère guadeloupéenne, petit frère béninois… « Notre famille est assez complexe », reconnait-elle. Mais cela ne l’empêche pas de se consacrer avec la même intensité à ses projets qu’à sa famille. Elle pourrait d’ailleurs s’établir définitivement au Bénin, à condition d’y vivre avec son jeune frère, l’autre prunelle de ses yeux. Parlant de ses projets, elle développe beaucoup de collaborations et de partenariats dans le milieu des arts au Bénin. Sébastien Boko, Charbel Koffi, Anna Korver… Avec chacune de ces galeries, Sindy finalise des projets d’envergure dont les impacts se feront sentir sous peu. Dans le même temps, elle se montre très engagée dans des initiatives culturelles ludiques et patrimoniales entre le Bénin et les communautés afrodescendantes.