La Nation Bénin...
Face
à une jeunesse nombreuse mais sous-employée, à des économies encore trop
dépendantes des matières premières et à une intégration régionale inachevée, le
continent africain doit accélérer la mise en œuvre de politiques audacieuses
pour mieux se porter vers les Objectifs de développement durable (Odd).
Les
chiffres sont implacables. Chaque année, entre 10 et 12 millions de jeunes
Africains arrivent sur le marché du travail, tandis que seulement 3 millions
d’emplois formels sont créés. Résultat : plus de 76 millions de jeunes sont
privés d’opportunités professionnelles, d’éducation ou de formation. Un gouffre
social qui fragilise les fondements du développement sur le continent. Au-delà
de l’enjeu économique, le chômage massif des jeunes constitue une menace
directe pour la stabilité des États africains. Il alimente les tensions
sociales, favorise les migrations irrégulières, entretient les frustrations et
compromet la légitimité des institutions. Il devient ainsi, de façon
inévitable, un enjeu de gouvernance et de paix et peut hypothéquer l’atteinte
des Objectifs de développement durable sur le continent. C’est le diagnostic
posé lors du Forum des dirigeants africains tenu le 7 avril en Ouganda.
Il
est donc urgent de passer d’une économie d’extraction à une économie de
transformation, capable de créer des emplois décents, d'intégrer les jeunes et
les femmes, et de tirer profit des atouts endogènes du continent.
Pour
António Pedro, secrétaire exécutif chargé de l’appui aux programmes de la
Commission économique pour l’Afrique (Cea), il ne suffit plus de viser une
croissance du Pib en pourcentage. « L’Afrique doit construire un nouveau
contrat social fondé sur l’inclusion, l’emploi et la transformation
structurelle », affirme-t-il. Cela implique de mieux orienter les
investissements publics et privés vers les secteurs à fort potentiel de
création d’emplois tels que les énergies renouvelables, les infrastructures
rurales, les industries agroalimentaires, la santé et l’économie numérique.
António Pedro a appelé les gouvernements à investir dans les infrastructures de
base, la connectivité, les systèmes éducatifs et de santé, tout en renforçant
la gouvernance. Le secteur privé, selon lui, doit également jouer sa partition
en intégrant l’emploi dans ses modèles d’affaires. « Il faut des politiques
industrielles ciblées, des incitations fiscales, des financements innovants et
une meilleure coopération public-privé», insiste-t-il.
Transformation structurelle
Pour
répondre durablement aux défis de l’emploi, António Pedro défend une
transformation structurelle des économies africaines. « L’Afrique doit sortir
du piège de l’exportation des matières premières à faible valeur ajoutée»,
martèle-t-il. En s’inspirant de la stratégie développée entre la République
démocratique du Congo et la Zambie pour la mise en place d’une zone économique
spéciale dédiée à l’industrie des batteries, il montre que le continent peut
créer localement des chaînes de valeur industrielles compétitives. Il évoque
également la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) qui est un
catalyseur essentiel pour la transformation économique du continent.
Aussi,
a-t-il plaidé pour des investissements massifs dans les infrastructures
logistiques, le renforcement des corridors commerciaux et la simplification des
procédures douanières. L’objectif est de faire de la Zlecaf une réalité
quotidienne pour les producteurs, les commerçants et les consommateurs
africains.
Le
diagnostic s’étend aussi à l’éducation et à la formation avec l’alerte sur
l’inadéquation entre les profils formés et les besoins du marché. Plus de 80 %
des jeunes Africains veulent des emplois qualifiés, mais à peine 8 % y
accèdent. Il a été donc souhaité de réformer les systèmes éducatifs, en misant
davantage sur les filières techniques, scientifiques et entrepreneuriales.
Le
secrétaire exécutif chargé de l’appui aux programmes a mis l’accent sur
l’économie des soins, un secteur à fort potentiel qui peut offrir des millions
d’emplois, tout en répondant à des besoins sociaux essentiels. « L’Afrique,
avec sa jeunesse, peut devenir la colonne vertébrale de l’économie mondiale des
soins », a-t-il trouvé. Enfin, il appelle à une révision des normes mondiales
en matière de durabilité.
Les cadres Esg (Environnement, Social, Gouvernance), tels qu’ils sont actuellement définis, freinent selon lui le développement de l’Afrique. Il propose un Esg « recalibré » et mieux aligné sur les réalités africaines. Le message des dirigeants africains en Ouganda est clair. « Nous avons les ressources, le capital humain, la vision. Ce qu’il nous faut maintenant, c’est de la volonté politique et un leadership transformateur », martèle Antonio Pédro. Il appelle les décideurs africains à placer l’emploi au cœur des stratégies de développement, à s’engager dans des réformes profondes et à accélérer la mise en œuvre des engagements pris.