La Nation Bénin...
Confrontées
à des pertes ou au risque de faillite, les entreprises peuvent bénéficier de
mécanismes juridiques pour redresser la barre ou disparaître mais de manière
ordonnée, avec pour objectif la réduction des pertes pour les parties
impliquées.
Les aléas de la vie des affaires peuvent parfois conduire une entreprise à la perte de capital, de crédit ou de réputation, jusqu’à risquer la disparition. Face à ces situations critiques, le droit offre une réponse structurée pour permettre à toutes les parties prenantes de se tirer d’affaire sans perdre la face. « Le règlement de l’insolvabilité, que nous appelons procédures collectives d’apurement du passif, permet de sauver ou de liquider les entreprises en difficulté, tout en minimisant les pertes pour les parties impliquées : banques, employés, fournisseurs et même le fisc », explique William Kodjoh Kpakpassou, président de la Cour d’appel de Commerce de Cotonou. Le règlement de l’insolvabilité est comparable à une clinique de l’entreprise où des professionnels qualifiés interviennent pour diagnostiquer les problèmes et proposer des solutions adaptées. Il repose sur des dispositions juridiques précises, définies notamment par l’acte uniforme de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada). Cet outil harmonisé s’attache à encadrer les procédures collectives d’apurement du passif, une gestion ordonnée des dettes d’une entreprise confrontée à des difficultés majeures. À cela s’ajoutent des lois nationales, comme celles portant modernisation de la justice en République du Bénin et des arrêtés qui fixent les barèmes des coûts des acteurs impliqués. Le processus de gestion de l’insolvabilité s’articule autour de deux types de procédures. La première, préventive, cherche à agir avant que l’entreprise ne bascule dans la cessation de paiements. On y retrouve la conciliation et le règlement préventif. Ces mécanismes offrent un cadre confidentiel permettant de restructurer financièrement l’entreprise avec l’aide des créanciers et sous la surveillance d’un tribunal. « Une période de cessez-le-feu est instaurée, souvent deux mois, pour permettre à l’entreprise de se redresser sans la pression des sommations ou des poursuites judiciaires », souligne le président William Kodjoh Kpakpassou. La seconde approche dite curative, est utilisée lorsque les difficultés de l’entreprise sont plus graves. Elle comprend le redressement judiciaire qui vise à relancer l’activité dans un délai de neuf mois et la liquidation des biens, dernière étape pour une entreprise non viable. « Pendant une période de neuf mois, un plan est établi pour relancer les activités et protéger les emplois », souligne le magistrat. Cependant, si aucune solution de redressement n’est réalisable, la liquidation des biens devient inévitable. Cette étape consiste à vendre les actifs de l’entreprise pour rembourser les créanciers en suivant un ordre de priorité établi par la loi.
Enjeu
La gestion de l’insolvabilité implique un large éventail d’intervenants. Outre les juges et magistrats, des professionnels comme les mandataires judiciaires, experts-comptables, notaires et avocats jouent un rôle crucial. Leur mission consiste à représenter les créanciers, établir un diagnostic précis et proposer des plans de redressement ou de liquidation. Des règles strictes encadrent leurs interventions afin de garantir l’efficacité du processus tout en minimisant les coûts pour l’entreprise en difficulté. Cette réglementation, selon les explications du président de la Cour d’appel de Commerce de Cotonou, répond à une critique récurrente selon laquelle les procédures d’apurement du passif sont souvent coûteuses et risquent d’aggraver les pertes des entreprises déjà fragilisées. Les procédures d’insolvabilité ne se limitent pas à la survie des entreprises concernées. Elles visent également à éviter des risques systémiques pour l’économie. Une faillite mal gérée peut entraîner une réaction en chaîne, affectant les banques, les fournisseurs ou encore l’emploi local. Ainsi, préserver autant que possible les activités économiques et l’emploi devient une priorité. William Kodjoh Kpakpassou insiste sur l’importance de maximiser la valeur des actifs restants. « Lorsque l’entreprise entre en liquidation, il faut vendre les immeubles, véhicules ou équipements à des prix optimaux. Cela limite les pertes pour les ressources et assure une redistribution équitable des sommes récupérées », renseigne-t-il. Au cœur de ce dispositif, la justice commerciale joue un rôle de pivot. En première instance, le Tribunal de Commerce et en appel, la Cour d’appel de Commerce, veillent à l’application rigoureuse des lois. Des décisions rapides comme les ordonnances sur requête permettent d’agir efficacement pour sauvegarder ou liquider tout simplement l’entreprise en agonie. Le règlement de l’insolvabilité s’apparente à un rempart contre les pertes massives et les perturbations sociales. Ces mécanismes, souvent méconnus, constituent un véritable espace où survie et disparition se conjuguent pour maintenir un équilibre économique global. En traitant les difficultés des entreprises avec méthode, les juridictions commerciales contribuent à préserver le tissu économique. « Qu’il s’agisse de sauver une entreprise ou de la liquider de manière ordonnée, l’objectif est toujours de minimiser les impacts négatifs sur les créanciers, les employés et l’économie dans son ensemble », recapitule le président de la Cour d’appel de Commerce de Cotonou. Ainsi, à travers ces outils juridiques, c’est tout un écosystème qui se met en ordre de bataille pour répondre aux défis posés par l’insolvabilité. Une démarche indispensable pour garantir la résilience économique face aux aléas du monde des affaires.