La Nation Bénin...
La
blessure de l'abandon est une blessure émotionnelle caractérisée par un fort
sentiment d'insécurité affective et/ou physique lié à une inquiétude profonde
d'être abandonné.e. Cette blessure qui naît dans l'enfance est réactivée à
l'âge adulte par tout événement réel d'abandon ou ressenti comme tel. Dans ce
nouveau numéro de Conseils @visés, on en parle avec la psychologue clinicienne
et psychothérapeute Espérancia Siagbo.
Comment peut-on reconnaître cette blessure chez quelqu'un ou quels sont les signes et comportements typiques d'une personne souffrant de la blessure de l'abandon ?
Pour reconnaître que quelqu'un souffre de la blessure de l'abandon, les signes sont nombreux. C'est quelqu'un qui ne sait pas poser des limites et accepte tout par peur d'être abandonné. Il fait preuve de trop de gentillesse et de disponibilité, et fait donc tout pour plaire afin d'être accepté et donc de bénéficier d'attention, d'amour et de se rassurer qu'ainsi, il ne sera pas abandonné. Ce sont des personnes qui ne savent donc pas dire non et qui en demandent aussi trop, comme pour compenser les manques d'amour dans leur enfance. Certaines personnes souffrant de cette blessure ont du mal à supporter de se retrouver avec elles-mêmes ou à être seules, et recherchent donc constamment de la compagnie. D'autres, au contraire, sont repliés sur eux-mêmes et évitent le plus possible les autres, par méfiance et par peur d'aggraver cette blessure.
Sur
le plan de l'alimentation, certaines personnes qui souffrent de la blessure de
l'abandon mangent beaucoup ou par compulsion, tandis que d'autres mangent très
peu, de façon irrégulière ou se privent. Un autre signe de cette blessure est
une sensibilité aux critiques et à toutes les situations ressenties comme un
abandon. Cela pousse donc les personnes en souffrance à réagir de manière
disproportionnée.
Quelles sont les principales causes de la blessure de l'abandon ?
Les événements traumatiques synonymes d'abandon réel ou ressenti comme tel et qui surviennent dans l'enfance sont les principales causes de la blessure d'abandon. Nous pouvons distinguer une première catégorie liée à l'absence physique et/ou affective des parents. Il s'agit par exemple d'une séparation brutale ou non, ou d'un divorce. Un déménagement, un décès font également partie de cette catégorie. Une deuxième catégorie a trait au type de traitement fait à l'enfant. C'est-à-dire toutes les situations qui traduisent de la maltraitance et/ou de la violence.
Une
troisième et dernière catégorie de causes est en lien avec le degré
d'investissement des parents quant à la manifestation ou l'expression de leur
amour. Il s'agit des parents trop présents, fusionnels et surprotecteurs ou, au
contraire, des parents très peu présents, négligents. Ces événements
traumatiques et contextes entraînent des manques affectifs ou d'amour qui
perturbent la construction de la sécurité affective de l'enfant.
Comment
cette blessure peut-elle affecter les relations interpersonnelles et la vie
quotidienne ?
Cette blessure perturbe les relations aussi bien amicales, amoureuses que professionnelles. Avec tous les signes liés à cette blessure, les relations sont mises en péril. Le sentiment et la peur d'abandon, le fait de s'auto-saboter, la recherche excessive de validation ou de l'approbation d'autrui, le fait de s'attacher vite et trop, le besoin d'être rassuré, la méfiance provoquent des situations invivables dans les relations. Selon les profils, les personnes en souffrance se retrouvent avec des manipulateurs, si elles ne le sont pas elles-mêmes. En effet, dans l'ensemble, ces relations sont instables, malsaines, toxiques. Et souvent, des ruptures et séparations, donc l'abandon dont ces personnes ont peur, surviennent finalement. Sur le plan professionnel, le manque de confiance en soi et les doutes perturbent l'efficacité.
Quels impacts émotionnel et psychologique peut avoir la blessure de l'abandon sur une personne ?
Il s'agit de la mésestime de soi : le regard que l'on se porte, la valeur que l'on se donne; et donc l'estime de soi est perturbée. Il y a le manque de confiance en soi : les capacités que l'on possède sont mises en doute ou l'on se croit incapable, incompétent, inefficace. La dépendance affective est l'un de ces impacts, avec comme corollaires une possessivité, une jalousie excessive ou maladive. Il s'agit aussi du repli sur soi, du duo colère-agressivité. Ce duo de sentiments éprouvés contre les personnes liées aux vécus d'abandon dans l'enfance est retourné contre les autres.
Il
y a également la culpabilité, car les personnes qui ont une blessure de
l'abandon croient que c'est leur faute si elles ont connu les événements
traumatiques de leur enfance. Pour finir, nous citerons l'angoisse, la
dépression et les addictions : l'angoisse, du fait d'une forte inquiétude par
anticipation de vivre une situation de délaissement ; la dépression, car la
colère est retournée contre soi et le sujet se punit ; les addictions à
l'alcool, au sexe, au tabac, à la drogue qui sont pour ces personnes des moyens
de dominer ou de ne pas faire face à leur inquiétude ou peur.
Quelles
sont les étapes essentielles pour guérir de la blessure de l’abandon ?
La première est de comprendre et accepter la blessure de l'abandon et les comportements qui y sont liés. Ici, il est question de comprendre ce qu'est cette blessure, d'où elle vient, ses manifestations et ses effets. À cette étape, la personne en souffrance prend conscience de son fonctionnement et sera par la suite disposée à évoluer sur le chemin de la guérison. La deuxième, c'est de se connaître et se reconnecter à soi. Il s'agit ici d'apprendre à se reconnaître comme étant une personne avec des qualités et que les traumatismes vécus ne dépendent pas de soi. C'est à cette étape que le sujet apprend à s'aimer, à cultiver l'amour de soi.
La
troisième étape est de savoir gérer ses émotions, notamment la colère et la
culpabilité. Il s'agit à cette étape d'apprendre à gérer de manière adéquate et
saine ses émotions. Ces trois étapes
permettront in fine aux personnes qui souffrent de la blessure de l'abandon de
construire des relations saines et stables pour une vie plus épanouie.
Quelles thérapies ou pratiques adopter ?
En termes de thérapies, il s'agit des psychothérapies, de l'hypnose. Sur ce plan, il importe de s'adresser aux spécialistes de la santé mentale que sont les psychologues cliniciens et les psychiatres. Ils sont outillés avec différents types de méthodes pour mener des accompagnements efficaces. En ce qui concerne les pratiques que ces personnes en souffrance peuvent adopter, il y a l'art-thérapie et les activités qui permettent d'améliorer l'estime de soi et la confiance en soi, d'apprendre à apprécier être en sa propre présence. Ces pratiques seront adoptées selon les goûts des personnes concernées ou selon les orientations du thérapeute.