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Marie Elise Gbèdo, l’amazone des temps modernes: Entre sincérité, rigueur et rage de réussir

Société
Par   Anselme Pascal AGUEHOUNDE, le 18 mai 2018 à 06h33

Forte de ses convictions, elle s’impose par sa persévérance et son savoir-faire dans un environnement où la femme peine à s’affirmer. Son courage et ses ambitions lui font braver embûches et critiques. Ses mérites lui font valoir des décorations ici et là. Première femme à se présenter à une élection présidentielle au Bénin, pourfendeuse intrépide de la marginalisation des femmes, voici celle qui vient d’être reçue au titre de grand officier de l’Ordre national du Bénin, Me Marie Elise Gbèdo.

Ce que l’on souligne le moins dans la peinture de "L’Amazone candidate", c’est la grande estime qu’elle a pour la famille, sa dévotion pour les siens. Chef de famille et mère de deux enfants, Marie Elise Gbèdo considère la famille comme le socle de sa vie. « Mes enfants, mes frères, ma sœur, mes oncles et mes tantes… jouent un rôle très important dans ma vie. J’ai besoin de leurs regards avant d’entreprendre quelque chose dans ma vie. Je n’hésite pas à poser mes problèmes à mes enfants parce que je sais qu’ils me diront la vérité sans ambages », confie l’avocate.
Originaire de Ouidah, la célèbre et mythique cité touristique, Akuavi Marie Elise Christiane Gbèdo est une femme indépendante et sans complexe.
Née en décembre 1954 à Mankono en Côte d’Ivoire, elle a été élevée dans une famille où homme et femme sont traités de la même manière. C’est sûrement de là que lui viennent ses convictions en faveur de l’égalité entre les sexes, de la responsabilisation de la femme et du respect de ses droits. « Moi, j’ai une image qui m’est restée. Petite fille, j’ai vu ma mère en short à l’époque. Petite fille, j’ai vu mon père à la cuisine. Et si aujourd’hui je sais faire la cuisine, c’est d’ailleurs grâce à lui. J’ai vécu dans une famille où on ne distinguait pas les garçons des filles. Nous étions pratiquement vêtus de la même façon et nous étions appelés à faire les mêmes travaux domestiques. Nous sommes tous allés à l’école », raconte la défenseuse des droits de la femme. Cette image, elle s’est engagée à la partager pour que cesse la brimade des femmes.

Des combats qui ont valu la peine

Bourreau des hommes féodaux qui traitent la femme comme un valet, Me Marie Elise Gbèdo a souvent été critiquée dans sa lutte pour la parité. Ses diligences pour la femme émancipée ont même été parfois mal accueillies par des femmes résignées à la servitude. Mais elle ne s’est pas résignée. Aujourd’hui, elle est fière des fruits de sa persévérance à la cause de la femme. « J’ai vu les effets de mon combat sur le terrain et j’en suis fière. Même si le phénomène n’est pas éradiqué, j’ai vu comment la vie de la femme béninoise a été transformée dans les foyers. Il y a des choses qu’un homme ne peut plus faire à des femmes aujourd’hui à cause de Gbèdo. J’ai réussi cela », argue-t-elle avec aise. Grâce à ses diligences et à ce qu’elle appelle "sa rage de réussir", Me Marie Elise Gbèdo a connu de grands succès. Trois fois ministres au Bénin, une fois sous Kérékou et deux fois sous Boni Yayi, avec des charges internationales assumées en cours de fonctions, elle a reçu également de nombreuses distinctions. Reçue au grade de Commandeur de l’Ordre national du Bénin, de Chevalier de la légion d’honneur française décerné par le président Nicolas Sarkozy, elle vient de recevoir l’insigne titre de Grand officier.
Par ailleurs, Marie Elise Gbèdo a été consacrée en janvier 2006, Reine des femmes d’Afrique par le Collectif des femmes d’affaires du Bénin et a reçu en mars dernier le trophée Cléopâtre de la meilleure femme avocate. La liste de ces distinctions est loin d’être exhaustive. « Toutes ces reconnaissances, toutes ces distinctions sont pour moi la preuve que ma détermination, mes luttes ne sont pas vaines », exprime-t-elle.

Epanouie, elle avance sans désemparer

Ceux qui pensent que Me Marie Elise Gbèdo serait malheureuse ou aigrie, sont dans l’erreur. Qui dit qu’elle n’est pas satisfaite ou qu’elle manque de quelque chose, se leurre. Prospère, impassible et déterminée, elle avance, avec pour seule limite ses convictions. « Je suis une femme heureuse. Je ne vole pas. On a beau m’insulter, j’avance. Qu’est-ce-qu’on n’a pas dit de Gbèdo ? Pourtant, je suis là, je ne me cache pas. Si je devrais écouter tout ce qu’on dit de moi, est-ce-que je pourrais sortir de ma maison ? », évoque-t-elle avec sourire. Malgré les critiques, elle a réussi dans ses combats, dans ses entreprises. Même si elle reste quelque peu déçue de ses trois échecs à l’élection présidentielle, elle ne s’avoue pas complètement vaincue. Le film L’Amazone candidate à elle consacrée en dit long sur sa détermination. La femme aux principes inaliénables reste sereine, convaincue qu’aucune de ces velléités ne peut l’affaiblir.

Ses principes, elle ne les marchande pas !

Pas d’hypocrisie, pas de placard, Marie Elise Gbèdo ne cache rien à personne et ne juge pas sur des supputations. Elle ne se fait pas prier pour exprimer son opinion quand l’opportunité se présente. « C’est par les actes que moi je juge, je n’ai pas d’état d’âme. Je pense quelque chose de toi, je te le balance sans hésiter. Tu peux me bouder le lendemain. On a tenté de me changer mais on ne me changera pas  », confie-t-elle, le ton grave. L’avocate n’entend pas négocier ses valeurs ou les troquer dans des compromissions. « Si tu veux que je comprenne, explique-toi bien, sans ambages et sans duperie. Si tu ne communiques pas sur ce que tu fais et que je me trompe dans mon appréciation, ce serait de ta faute », fait-elle savoir.
Franchise, vérité et sincérité sont ses maîtres mots. « Je suis trop vérité ; j’aime la vérité, la franchise. Je n’aime pas les mensonges. C’est pourquoi dans tout ce que j’ai eu à faire, notamment dans la politique, je n’ai pas pu pratiquer la langue de bois. On me reproche d’être trop directe, mais je ne sais pas être circulaire. Cela ne m’empêche pas d’être une bonne médiatrice et une bonne négociatrice, experte dans les règlements à l’amiable », assure l’ancienne Garde des sceaux. Mais elle-même ne fait pas exception à ses principes. Tant elle est sincère, tant elle attend que l’on soit sincère envers elle. « Je n’aime pas qu’on me caresse dans le sens du poil. Positive ou pas, j’attends qu’on me dise la vérité. J’aime prendre mes responsabilités », explique-t-elle.
En tout, Me Marie Elise Gbèdo est simple et facile à vivre à condition qu’en face d’elle, il y ait de la sincérité. Elle ne cesse de le dire : « Je suis une femme très simple, très joviale, très aimante, très optimiste et qui est engagée dans les relations humaines ». Son livre autobiographique Le destin du roseau résume toute la personnalité de la belle et intrépide avocate Marie Elise Gbèdo, l’autre ‘’dame de fer’’.