La Nation Bénin...
Soutenir
son enfant, oui. Mais jusqu’où ? Dans cet entretien en six questions, Grâce
Hounsou Houessou, communicatrice pour le bien-être lève le voile sur les
limites parfois floues entre amour, pression et projections parentales. Elle
invite les parents à une introspection sincère et propose des pistes pour bâtir
une parentalité plus équilibrée, consciente et respectueuse de l’identité de
l’enfant.
Comment définiriez-vous une parentalité équilibrée ?
La parentalité est avant tout un engagement, une responsabilité. Elle nécessite pour cela de la préparation et de la maturité. La parentalité équilibrée tient compte non seulement de soi-même mais également des spécificités des enfants dont on a la responsabilité. La disponibilité (physique, émotionnelle, spirituelle, financière...) d’un parent à accueillir et soutenir sa progéniture dans sa croissance est fonction de sa capacité à se préparer, à se réparer lui-même. La capacité à manifester de l’amour, à être un modèle par l’exemple et non dans les mots, à s’adapter, à se remettre en question.
À partir de quand peut-on dire qu’un parent commence à vivre à travers son enfant ?
Lorsque
le parent estime que l’enfant lui est redevable et doit faire des choix selon
ses désidératas à lui. Ou lorsque le parent a échoué et espère réussir ses
rêves avortés à travers son enfant. Cela semble, a priori ‘’normal’’ mais peut
être inhibiteur et toxique si l’enfant n’aspire pas du tout aux mêmes choses
que ses géniteurs. Cela peut parfois atteindre les extrêmes quand le parent
exige de l’enfant qui fréquenter ou ne pas, qui aimer ou ne pas et quoi penser
ou ne pas.
Quels sont les impacts psychologiques sur un enfant dont les choix sont dictés par les rêves non réalisés de ses parents ?
Cela
crée en lui non seulement une dépression précoce, mais aussi nourrit une
frustration ou de la rébellion qu’il manifestera d’une manière ou d’une autre.
Cela peut favoriser des troubles graves comme la mythomanie, la schizophrénie
et mener à une vie non-accomplie, piégé entre ses propres aspirations et celles
imposées par les parents.
Existe-t-il des signes qui permettent de détecter une emprise toxique dans la relation parent-enfant ?
Dans toutes les dimensions du style éducatif, les blessures non résolues des parents peuvent avoir une influence. Des signes précoces d’une relation toxique parent-enfant sont tant visibles qu’invisibles. Ceux visibles sont la manifestation de ceux qu’on ne voit pas. Et donc, il faut pouvoir les identifier pour comprendre. Parmi les signes visibles, il y a la résistance, le changement d’habitude, l’usage de la violence surtout verbale et émotionnelle et le contrôle permanent, tant du côté du parent que de l’enfant.
Quel rôle peut jouer un professionnel (psychologue, éducateur, enseignant) pour alerter ou accompagner une famille concernée ?
Un professionnel joue un rôle de médiateur dans le cas de la détérioration de la relation parent-enfant. Il pourra offrir aux personnes concernées un cadre pour l’écoute, l’évaluation. Il pourra les accompagner à se connaître, en plus de les outiller à s’accepter en tant qu’individus et en tant que parent et enfant, chacun dans son rôle. Pour une parentalité plus consciente et moins projective, il faut une éducation à la parentalité. En effet, le mentorat est un programme que nous offrons aux personnes qui nous sollicitent dans un cadre professionnel.
Que diriez-vous à un parent qui croit sincèrement qu’il agit « pour le bien de son enfant», mais qui en réalité l’étouffe ?
Ce parent est en train de fabriquer une bombe à retardement qui va non seulement détruire l’enfant, mais aussi son entourage. Je dirai à ce parent d’arrêter et de s’instruire lui-même sur ce qu’est réellement « éduquer un enfant » pour ne pas plus tard, demain, s’étonner d’avoir un enfant adulte qui le déteste et travaille à rester le plus loin possible de lui.