La Nation Bénin...
Eleveurs et agriculteurs
du Mono expriment des attentes pour une cohabitation pacifique. Leur
vivre-ensemble dans les localités du département a été perturbé, en 2023, par
de nombreux conflits dont une soixantaine ont fait l’objet de réquisitions en
bonne et due forme devant les unités de la Police républicaine.
Le Mono a connu son lot de
situations conflictuelles entre agriculteurs et éleveurs en 2023 à l’instar des
années précédentes. Et si quelques-unes ont pu être réglées à l’amiable,
d’autres n’ont pas connu ce sort. 63 conflits ont fait l’objet de réquisitions
dans l’ensemble des six communes du département. Selon le décompte de la
direction départementale de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, Lokossa
aura été le gros foyer de tensions avec 26 conflits. Houéyogbé vient en
deuxième position avec onze conflits survenus entre éleveurs et agriculteurs.
Athiémé en a enregistré dix. Bopa en a connu neuf. Les deux autres communes du
département à savoir Grand-Popo et Comé, suivent avec respectivement un et sept
conflits. Mais il est heureux de constater que les situations conflictuelles
n’ont pas touché toute l’étendue des territoires des communes concernées. A
Lokossa, par exemple, ce sont les arrondissements d’Agamé, de Ouèdèmè et
l’arrondissement central qui ont été les théâtres des conflits. Doutou ainsi que
Sè et l’arrondissement central sont les localités concernées dans la commune de
Houéyogbé. Kpinnou et l’arrondissement central sont les territoires touchés
dans la cité des bois blancs, Athiémé.
L’évaluation des dégâts
induits par ces situations qui surviennent pour la plupart entre les éleveurs
de bœufs et les agriculteurs, affole par leurs statistiques. Rien que pour
2023, les dégâts matériels sont évalués à 3 179 100 francs Cfa, à en croire Aboubakar
Wabi, directeur départemental de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche.
Méfiance et hostilité
« L’ambiance de
vivre-ensemble, il y a quelques années en arrière, était moins tendue entre
éleveurs et agriculteurs, de sorte que la réquisition était rare », rappelle
Moussa Boubacar, boucher au marché principal de Lokossa et précédemment
porte-parole des éleveurs de bœufs. Analysant le nouveau contexte caractérisé
par la récurrence des conflits, il retient que cela est dû au fait qu’il y a de
plus en plus de bœufs à nourrir, à faire paître alors que les friches
s’amenuisent du fait des superficies emblavées qui ne cessent elles aussi de
s’élargir sous la pression démographique. Il se pose avec acuité, insiste
Moussa Boubacar, le problème de l’alimentation des bœufs dans un contexte de
cherté de la vie où l’éleveur ne peut se permettre de sédentariser, tous les
jours, ses animaux, et prétendre leur acheter de quoi se nourrir. « Nous ne
disposons pas d’un tel budget », tranche le boucher. Soulignant la
problématique, Soulé Mama, à la tête d’un important bétail détaille: « Pour
permettre aux animaux de trouver de quoi s’alimenter convenablement, il faut
les faire parcourir des distances, les conduire très loin. Puisque dans le Mono
comme dans le Couffo, l’urbanisation avance à grands pas. On construit partout
et les exploitations agricoles aussi gagnent du terrain ». Et c’est pour
contourner ces difficultés, soutiennent des agriculteurs, que les bouviers
introduisent leurs animaux dans les cultures. L’opération de substitution, aux
bottes de foin, des productions de maïs, du manioc, d’arachide et bien d’autres
cultures, selon les exploitants agricoles, se déroule souvent la nuit. Cette
pratique est une preuve s’il en est encore besoin de la mauvaise foi des
éleveurs, retiennent des agriculteurs. Athanase Aguiar, porté à la tête de la
Fédération des unions de producteurs du Bénin et président de la Chambre de
l’Agriculture, estime que la situation conflictuelle est récurrente et
alarmante surtout en saison de sécheresse et il urge de prendre des mesures
conservatoires en attendant la concrétisation des projets du gouvernement pour
le sous-secteur élevage. Sinon le bilan de 2024 en matière de conflits entre
éleveurs et agriculteurs, prévient-il, risque de s’alourdir. Que faire alors
pour que chacune des deux parties, éleveurs et agriculteurs, puisse exercer en
toute quiétude ses activités ?
A ce sujet, le boucher
Moussa Boubacar propose, en premier lieu, la prise d’un arrêté pour interdire
toutes les activités de pâturage nocturne. Ensuite, il suggère à l’instar de la
Fupro Bénin et son président Athanase Aguiar, la réquisition des zones marécageuses
pour accueillir les bétails. En procédant ainsi dans toutes les communes,
espèrent-ils, les bouviers seront moins tentés de conduire leurs animaux dans
les exploitations agricoles. « Il va falloir qu’on déclare, dans chaque
commune, les bas-fonds comme des réserves administratives pour y creuser des
retenues d’eau, en faire des points de regroupement des bœufs », explique
Athanase Aguiar. Parallèlement aux actes administratifs attendus, l’éleveur
Soulé Mama pense qu’il serait également utile d’initier des activités de
sensibilisation des communautés rurales sur le vivre-ensemble. A l’en croire,
l’ambiance de cohabitation s’est considérablement dégradée de sorte que
agriculteurs et éleveurs se regardent désormais avec méfiance et hostilité dans
presque toutes les localités. Soulé Mama jure qu’il se développe un sentiment
d’intolérance qui justifie l’échec répété des règlements à l’amiable, obligeant
le département du Mono à faire face à un important taux de conflits déférés
devant les juridictions, soit 63 situations conflictuelles pour le compte de
2023. Il en appelle à l’implication des élus, depuis les chefs de village
jusqu’aux maires, pour améliorer la perception et l’accueil réservés aux
bouviers qui, dit-il, ne sont que des ouvriers au service des éleveurs de
nationalité béninoise.