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Pierre Dassabouté : « Dire que j’ai été révélé tard n’est pas bien vrai »

Culture
Pierre Dossia DASSABOUTÉ Pierre Dossia DASSABOUTÉ

Pierre Dossia Dassabouté, artiste musicien béninois, s’en est allé, samedi 16 novembre dernier, à l’âge de 76 ans.

Virtuose de la guitare sèche, il s’est distingué comme un professionnel de la musique douce. Distillant ce que les mélomanes qualifient de bonne musique, cet ancien instructeur de jeunesse formé en Israël se plaît à chanter dans un style propre à lui.

A la retraite depuis quelques années, il s’est consacré à sa passion de toujours qu’est la musique après avoir été coordonnateur du Réseau des Centres de lecture et d’animation culturelle (Clac) pour le compte du ministère en charge de la Culture.

Amoureux des belles lettres, il est auteur et compositeur de ses chansons. Véritable ode à l’amour, à la vie, au bonheur, etc, ses morceaux invitent au voyage et se révèlent être assez intimistes. Né vers 1948 à Pouya à Natitingou, Pierre Dassabouté a été révélé à la jeune génération à travers l’initiative ‘’Bénin Passion’’ de Jean-Luc Aplogan. Une compilation des anciens succès de la musique béninoise qui a remis au goût du jour ses compositions. A l’aide de sa guitare, il s’est fait un nom grâce à ses textes à la fois lyriques et pleins de morale. En dehors de la musique, Pierre Dassabouté est un conteur professionnel qui écume les festivals de conte en Occident. Toujours avec comme compagnon, son éternelle guitare.

Voici en nouvelle publication, l’interview que La Nation lui a accordée, le 1er mars 2019….

Par   Kokouvi EKLOU, le 18 nov. 2024 à 08h26 Durée 6 min.
#Pierre Dassabouté

A travers vos mélodies, vous avez marqué la musique béninoise. Comment êtes-vous arrivé à imposer votre touche artistique ?

 

Pierre Dassabouté: Nous n’avions en ce moment qu’une seule ambition. C’est de nous faire entendre. Et quand on dit ‘’se faire entendre’’, ce n’est pas seulement à travers les sons mais à travers des thèmes très précis qu’on choisissait et qui ont trait à l’éducation, à la formation, à la constitution des foyers, c’est-à-dire l’amour. Pour nous, c’était fondamental. On ne peut pas faire une chanson juste pour faire danser les gens, mais il faudrait que ces derniers en dansant, soient mus par une idée qui les fait sauter par exemple, une idée qui les transporte. C’est ainsi que petit à petit, nous sommes allés sans le savoir à ce niveau où les gens vous remarquent parce que vous avez sorti des chansons qui accrochent. Vous devez remarquer, sans doute, que la plupart de mes chansons sont très douces, calmes et qu’elles ne sont pas des chansons d’animation mais des chansons qui vous parlent, qui vous interpellent sur un certain thème.

 

C’est vrai que ce sont des chansons assez mélodieuses, mais est-ce une option de ne vouloir faire que de la musique douce ?

 

Je crois d’abord que l’instrument que j’utilise m’impose ce genre de musique. La guitare ! Ce faisant, vous adoptez des musiques qui permettent à vos doigts et à votre intelligence de s’accorder, donc de dire quelque chose parce que si vous faites un rythme très rapide par exemple, tout seul, vous risquez vraiment de vous perdre. Ce que je fais, c’est mélodieux. C’est fait pour être chanté sur la montagne, c’est fait pour être chanté à une personne quelque part à la plage ; vous voyez, c’est plus calme. Je dirai que c’est le genre qui m’impose ma façon de jouer, ma façon de composer.

 

Vous êtes de ceux-là qui ont été révélés peut-être un peu tard à la génération actuelle. Qu'est-ce que cela vous fait d’avoir été pendant longtemps dans l’ombre ?

 

Dire que j’ai été révélé tard n’est pas bien vrai. Je ne partage pas tellement cet avis parce que dans les années 70 déjà, quand on citait des émissions comme ‘’Plein feu sur les artistes’’ ou ‘’Culturème’’, on entendait des noms comme Dassabouté et mon épouse qui est là à côté de moi peut en témoigner puisque à cette époque, on était en amitié. C’étaient des moments où toutes ces jeunes filles qui nous connaissent couraient se positionner près d’un poste radio pour écouter parce qu’on voulait entendre Dassabouté. Maintenant, ce qui a fait que je suis resté dans l’ombre, c’est que j’ai toujours été un fonctionnaire de l’Etat et en ce moment-là, je faisais des tournées en tant qu’instructeur de jeunesse formé en Israël. Contrairement à ce que d’aucuns pensent, je ne suis pas un instituteur. Je suis sorti comme encadreur de jeunesse. J’étais tout le temps parti pour aller former les clubs de jeunes. C’est nous qui avions créé le Rassemblement national des jeunes du Dahomey. En ce moment, j’étais l’animateur principal et tout le monde me le reconnaît. Donc, je n’ai pas eu à utiliser la musique pour me nourrir comme certains. Ceux-là qui étaient obligés de piocher et font feu de tout bois. Je n’étais pas de cette catégorie de personnes qui prennent une chanson simple et en faisaient des mélodies euphoriques qui emportent tout le monde, sortent des morceaux en pagaille. Moi, j’étais avec ma guitare. Et c’est quand je sens vraiment le besoin de chanter que je sors, je vais à la radio pour m’exprimer et je m’en contentais. Ce qui explique que je n’ai pas sorti des disques à foison. J’ai des chansons maintenant que je chante et que les gens réclament. Ceux qui ne les ont jamais entendues pensent à de nouvelles compositions parce qu’elles sont toujours d’actualité et c’est des chansons qui plaisent. Par exemple, j’ai des chansons que j’ai composées depuis que j’étais au collège et elles évoquent l’univers des jeunes. Ce sont des chansons que je veux bien faire sortir maintenant. J’en ai toute une liste. Maintenant, comme vous le dites, on est un peu frustré parce que quand vous vous présentez avec vos projets devant quelqu’un, il n’est pas tellement intéressé ; il vous regarde, évalue votre âge et se dit mais qu’est-ce qu’il a à donner donc. C’est pour cela que nous, nous n’avons pas tellement été aidés par ceux-là. La plupart des mécènes que nous avons aujourd’hui ne sont pas de ma génération et ils ne sont pas prêts à investir sur quelqu’un de mon âge. C’est pour cela qu’on ressent une frustration. Moi, je ne me vois pas en train de faire des chansons d’animation pour que les gens me sponsorisent ; non. Des chansons d’animation pour juste faire sauter les gens, non ! J’ai toujours envie de parler aux gens ; je prends ma guitare et avec elle, c’est une complicité; je sors des thèmes et je parle et ça s’arrête là. C’est ça Bénin Passion. Si dans trente ans vous n’avez pas des chansons qui vous retiennent, qui disent ceci et cela, qu’est-ce que vous allez avoir comme ‘’Bénin Passion’’ ? Il faut vraiment des chansons qui parlent, qui édifient, qui instruisent la jeunesse. Le chanteur, à mon avis, est avant tout un éducateur. Il y a d’autres thèmes que je voudrais sortir et moi mon style c’est le poème chanté et faire sortir un refrain avec la musique ; qu’elle soit peut-être en Wama, en français, la chanson m’amène à distiller mon message. C’est ainsi que l’artiste pourrait contribuer au développement de la cité.

 

Vous évoquiez tantôt ‘’Bénin Passion’’, ce projet qui a ressuscité certaines de nos chansons qu’on pourrait considérer comme perdues. Mais aujourd’hui en l’absence d’un tel projet, sentez-vous un vide quant à la relance d’une carrière ?

 

D’abord, je voudrais recentrer les choses en disant que ça m’a fait mal qu’une émission comme ‘’Nostalgie’’ ait été oubliée. Cette dame qui a eu l’idée, cette géniale idée d’aller dans les tréfonds du pays pour sortir les vieux musiciens et les mettre à l’écran, c’est Pascaline Victoire Chacha. C’est elle qui, pour rien, et malgré tout, a eu le mérite de révéler à la génération actuelle de talentueux musiciens jetés dans l’oubli. Moi j’avais les larmes aux yeux quand j’ai vu des gens plus âgés que moi qui ne s’exprimaient plus, contents d’être découverts par cette dame et remis sous les feux des projecteurs. Il y a des gens qui ont chanté mais on ne les connaissait pas. Ils étaient dans l’ombre de certains ténors. Franchement, il faut bien tirer chapeau à cette dame. C’est bien écœurant que cette émission disparaisse comme ça parce que ça laisse les enfants dans le vide. Nous sommes tellement surpris par l’évolution des médias que nous laissons beaucoup de choses essentielles. Le fait de laisser les enfants monter sur le podium maintenant et de croire que c’est en s’exerçant à parler rapidement, à dire n’importe quoi qu’ils deviennent artistes me préoccupe énormément. Ça, c’est le volet animation. Maintenant, le volet artistique, ce sont les compositions, les paroles. Les Georges Moustaki, les Adamo, les Charles Aznavour constituent des exemples qui devraient nous inspirer. Ce sont des chansons qui vous parlent et c’est ça qui confectionne ‘’Bénin Passion’’. C’est de ça qu’on veut se souvenir, pas des trucs qu’on récite pour danser ; ce n’est pas parce que c’est la jeunesse qu’on veuille se défouler. Ce n’est pas uniquement ça la musique. Je ne dis pas que ce n’est pas de la musique, mais ce n’est pas ça seulement. Maintenant, nos enfants ont tendance à se cantonner à ça et moi, ça me gêne que les gens n’aient pas continué. Et si on avait continué cela de façon honnête, on aurait reconnu ceux qu’on appellerait sommités. Pourquoi ? Parce que si à chaque ‘’Bénin Passion’’, de façon vraiment correcte, on cherche à repérer des chansons qui ont marqué le temps et on retrouve toujours une de vos chansons dans la liste, ça veut dire que vous êtes un grand. Ce n’est pas une affaire de connaissance. Ce n’est pas parce que vous connaissez Dassabouté que vous allez programmer ses chansons, qu’un jury se cramponne là pour chercher ce qui a marqué le temps. Cette régularité et cette présence sur un tel projet démontreraient que l’homme dont il s’agit a existé et qu’il est d’une certaine valeur. Ce n’est pas du machin. Et voir les enfants s’en inspirer pour composer et se faire valoir demain constituerait un grand pas pour la musique béninoise. Mon souhait est qu’on en arrive là.

 

A votre époque, on a senti qu’il y avait cette motivation-là, cette passion à vouloir faire de la musique, à y exceller malgré les vicissitudes. Si on devait retracer le parcours de Pierre Dassabouté, que pourrait-on retenir ?

 

Vous savez, un pays est un. En ce moment-là, les régions du Bénin étaient très marquées, il faut le reconnaître. Ce n’est pas maintenant que les choses se sont rapprochées. C’était très marqué. Vous quittez Cotonou pour venir à Abomey, vous sentez qu’il y a quelque chose qui a changé. Vous quittez Cotonou pour venir à Savalou ou à Dassa par exemple ou à Parakou, vous sentez les différences. Maintenant c’est un peu rapproché et malgré cela, il y avait une identité nationale. Pour la musique par exemple, on retrouvait de grands artistes comme GG Vickey qui en imposaient à toute l’Afrique. Même en Europe, quand vous êtes artiste et vous arrivez, on sait que vous êtes Béninois parce qu’un artiste comme GG Vickey, en son temps, a marqué les esprits. Les chansons, ce n’était pas des chansons d’animation seulement. C’étaient des thèmes sur le mariage, sur l’amour, des thèmes sur la politique et les textes sont bien écrits. On avait donc des gens qui nous inspiraient comme GG Vickey. Mais à part ça, pour dire comment moi je suis arrivé à la guitare, je noterai qu’il y avait un greffier du nom de Blaise Akplogan (paix à son âme) qui habitait à côté de ma maison. En ce moment, je ne pratiquais pas de la guitare, je faisais du pipeau et à chaque fois j’allais jouer de la musique dans les alentours. Un jour, il m’a fait appeler par ses enfants qui étaient des camarades de classe et m’a demandé si je faisais de la guitare et j’ai dit non et pour la première fois, il a sorti devant le jeune enfant que j’étais sa guitare et il a commencé par jouer mais avec une méthode classique parce qu’il jouait avec les cinq doigts. Au grand étonnement de ses enfants, il a daigné me passer la guitare pour la soirée. Je n’ai pas dormi et j’ai tripoté toute la nuit la guitare au point d’en sortir le lendemain une mélodie: « J’entends siffler le train et j’entends siffler le train...». Alors, il était vraiment étonné. Je ne sais pas jouer de la façon classique mais j’ai cherché des sons, des accords ; ce qu’il a vraiment trouvé formidable. Il a dû m’apprendre à retrouver les gammes et c’est à partir de là que j’ai aimé la guitare. Alors, j’ai fait des pieds et des mains pour m’acheter une vieille guimbarde de guitare que j’armais avec des cordes rafistolées par-ci et par là, des câbles de vélo et c’est ainsi que j’ai commencé. Mais j’avais horreur d’une chose : qu’on me dise que telle composition de moi est de tel ou tel autre. Ça me remontait les nerfs et dès qu’on m’apostrophe quant à la probable similitude entre l’une de mes compositions et celles d’un autre, je la changeais tout de suite. C’est ainsi que je me suis forgé et me suis personnalisé pour avoir le style qui est le mien aujourd’hui. Le style Dassabouté.

 

Sans être devin, vous présagez la mort de la musique béninoise si une thérapie de choc n’est pas envisagée pour la soutenir. Mais de votre côté, on vous sent comme en retrait, retranché dans votre Natitingou natal. Qu’est-ce que vous pourriez faire pour changer les choses ?

 

Quand les brides sont lâchées, c’est difficile de maîtriser sa monture. Un seul individu qui s’oppose à une marée est vite écrasé et totalement. Il faudrait que les gens acceptent d’avoir une même vision parce que étant d’un même pays régi par la même loi fondamentale, nous connaissons les règles et nous devrions faire en sorte que les choses avancent. Par exemple, à Natitingou, j’aurais été maire que franchement j’allais lutter dur contre l’alcool. Vous allez dans les quartiers maintenant, ce sont des fantômes que vous voyez, les jeunes n’existent plus. C’est la cigarette et l’alcool frelaté qui y sévissent maintenant. En son temps, quand j’exhortais les gens à lutter contre l’alcool (le Sodabi), on n’y prenait pas garde. Les gens passaient par des voies incontrôlables pour faire entrer le Sodabi à foison.

Rien n’est en ordre ; c’est le laisser-aller. Et cet exemple que je viens de donner n’est que symptomatique de ce que nous vivons dans le secteur de la musique.

Notre musique n’a pas d’âme. Nous ne faisons rien pour avoir une musique et l’imposer comme les Ivoiriens, Maliens et Sénégalais. Nous aimons la facilité, voire le laxisme. Copier les autres ne rehausse pas l’image du pays et nous devrons faire en sorte que notre musique soit une référence à copier par ceux qui nous en imposent aujourd’hui. Il nous faut accepter de consommer ce que nos artistes produisent et les pousser à sortir des genres que d’autres viendront copier. Contrairement au Bénin où l’on peine à accompagner les valeurs, ailleurs on sent le soutien permanent du pays et de l’Etat quand une initiative tend à être un succès. Nous devrons nous en inspirer pour avancer à notre niveau.

Je pense que franchement on devait avoir notre personnalité. Il faut que les gens se retrouvent pour soutenir une musique typiquement béninoise.

 

N’envisagez-vous pas aujourd’hui l’accompagnement de cette jeunesse pour l’amener à voir autrement la musique que ce qu’elle fait aujourd’hui ?

 

On veut bien mais qui sommes-nous ? Moi, j’étais expert au Fonds d’aide à la Culture mais j’ai été enlevé au profit des jeunes. Je ne dis pas que j’étais le meilleur mais j’estime qu’avec mon expérience je pouvais apporter quelque chose dans l’orientation à donner à notre musique. Je suis loin d’être aigri mais je trouve qu’il y a un problème et tout le monde le pense mais personne n’en dit mot.

Dans ce cadre, que voulez-vous dire et qui sera entendu ? Moi, j’ai envie de créer une petite école d’initiation à la musique. Quand on dit que c’est Dassabouté qui veut créer une école de musique, les gens pensent déjà à la guitare. La première année, c’est pour connaître ce que c’est que la musique, lire les notes de musique avant de prendre un instrument de musique. C’est ce que j’ai envie de faire et c’est ce que je peux faire. Même dans la ville, j’ai mes neveux et cousins que je peux initier mais si les gens n’ont pas le temps parce que l’argent se gagne à travers la musique dite d’animation, c’est-à-dire sauter, crier, faire l’apologie des déviances. Pendant que vous prônez ce qui est propre, les gens font ce qu’ils veulent si bien que maintenant c’est difficile d’éduquer sans un cadre formel de formation. C’est difficile à moins que le gouvernement ne veuille prendre les devants en initiant un centre de formation. Il y a plein de professeurs de musique dans l’ombre qui ne demandent qu’à partager leurs connaissances avec les plus jeunes pour leur montrer ce qu’est la musique. Actuellement, c’est le sauve-qui-peut. Chacun y va comme le lui permettent ses capacités. Au sein des musiciens à Cotonou, il y en a qui ne peuvent pas chanter a capella parce qu’ils sont allés directement vers les instruments sans savoir sur quel rythme ils chantent.

 

A vous entendre, c’est tout comme si l’argent seul ne peut changer le visage de la musique béninoise. Pensez-vous qu’il faut faire autre chose qu’injecter de l’argent ?

 

Ce n’est pas que c’est mauvais d’injecter de l’argent mais il faut y ajouter de la rigueur dans son utilisation. Ce n’est pas seulement au niveau des musiciens ; il y a aussi les cinéastes et beaucoup d’autres acteurs. Il faut vraiment cette rigueur parce qu’en tant qu’expert vous faites face à des projets bien élaborés, assez pertinents. Mais le fait de bien élaborer un projet ne devrait pas suffire. Les experts ne font que noter et quand un projet est bien élaboré vous ne pouvez rien faire que donner un avis favorable pour son financement. Au regard de l’impact de ces projets subventionnés, il est loisible d’exiger plus des porteurs. Il faut aller loin, aller au-delà de la simple étude des dossiers parce que ces projets sont parfois rédigés par des cabinets payés juste pour l’élaboration. Ces spécialistes ne sont pas commis à l’exécution ou au suivi desdits projets une fois les subventions octroyées. Ce qui laisse cours à tout le laxisme que l’on observe sur le terrain. Les fonds sont libérés pour l’exécution desdits projets et au finish, il n’y a rien de palpable à constater au terme des activités. Il faut pouvoir avant tout évaluer les capacités des porteurs à conduire de tels projets, s’assurer du suivi des activités et de la qualité des acteurs mobilisés autour. Il faut également mettre en place les organes de contrôle pour une gestion transparente des fonds mis à disposition.

 

Des voix s’élèvent parfois pour jeter l’anathème sur la gestion du Fonds d’aide à la Culture. Vous qui avez participé d’une manière ou d’une autre à l’attribution des subventions aux artistes, avec le recul, pensez-vous que les choses se sont faites vraiment dans les normes ?

 

Franchement, il y a certains groupes ou certaines personnes qui ont obtenu ces subventions et qui s’en sont bien servis, de façon vraiment honnête. Ces gens les ont utilisées à bon escient. Malheureusement, ils ne sont pas nombreux. On peut les compter au bout des doigts. Il n’y en a pas beaucoup. Près de 85 à 90 % des gens s’organisent pour disposer de ces sous sans vraiment les investir comme cela se doit dans les projets concernés. Tout est fait au rabais, sans un minimum de professionnalisme et de rigueur. En l’absence de tout suivi, ces fonds sont détournés à d’autres fins. Les exemples sont légion et quand vous en parlez, vous devenez la bête noire. Il faut qu’on revoie la copie. Même quand vous avez les dossiers des artistes musiciens à évaluer, vous êtes harcelé au téléphone. Vous faites l’objet de toutes les pressions de la part de proches qui veulent que vous interveniez en faveur de tel ou tel autre artiste. Des interventions face auxquelles j’ai été toujours de marbre et c’est tout ceci qui justifie mon éjection du groupe des experts de la musique. Quelle est donc la raison d’être d’un expert ? C’est bien dommage et frustrant de se faire éjecter au profit d’un jeune n’ayant pas votre expérience. Et pour cette raison, je regrette d’avoir occupé ce poste. Moi, j’ai fait le conservatoire supérieur de Madrid et fort de cela, je sais lire et comprendre ce qu’est la musique et s’il faut me remplacer, qu’on sache le faire pour le devenir de la musique béninoise. Qu’on mette un certain Nel Oliver par exemple comme expert, qui est-ce qui va broncher ? Les types d’appareils que vous voyez là, il les maîtrise. Il y a plein de gens, vous les prenez, vous savez qu’ils sont bien denses dans leur domaine et là il n’y a aucun problème. Pourquoi encourage-t-on donc ce méli-mélo. C’est justement ce qui fait que nous sommes en train de tourner en rond. On ne peut pas avoir tant d’argent et ne pas l’utiliser à bon escient. Les autorités font de leur mieux, maintenant que les gens soient là pour le dilapider n’est pas normal.

 

Que faire aujourd’hui pour donner un nouveau souffle au secteur de la culture et redorer le blason de la musique au Bénin ?

 

Le ministre de la Culture doit être quelqu’un qui aime la chose culturelle et qui la vit. Ce n’est pas sa formation initiale qui fait l’affaire. Il doit avoir cette fibre pour la culture et la musique en particulier et cette volonté à opérer des changements. En découvrant l’univers de la culture, il s’y adapte et sait comment agir pour marquer de par ses actes les acteurs et le secteur dont il a la charge. Aussi, revient-il aux agents techniques du cabinet du ministre de concrétiser cette vision à travers leurs connaissances. Ils ne peuvent pas être des profanes. Ils doivent être essentiellement culturels, et il leur revient le devoir de donner des conseils au ministre quand ce dernier veut agir. Ils doivent pouvoir être prêts à sacrifier leur poste pour défendre leurs points de vue et positions. C’est cette détermination qui nous manque. Il faut bien que ces gens qu’on nous place soient bien déterminés avec de la vision pour ces domaines et ça va marcher à coup sûr■