La Nation Bénin...
L’actualité européenne a été très agitée, le 23 juin dernier, avec les résultats du référendum qui valide le retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne. La coopération ACP-UE va-t-elle souffrir des conséquences du Brexit? Josep Coll, ambassadeur, chef de Délégation de l’Union européenne apporte des éléments de réponses.
La Nation: L’Union Européenne a vécu, le 23 juin dernier, un évènement inédit, à savoir le référendum sanctionnant le retrait du Royaume-Uni de l’Union. Comment les autorités de Bruxelles ont-elles accueilli le vote du Brexit ?
Josep Coll : Les autorités de l’Union Européenne ont émis un regret du résultat de ce référendum. Mais elles ont clairement indiqué qu’elles respectaient cette décision. Nous sommes dans un contexte de démocratie active et si un pays met en place un système pour consulter les populations, quel que soit le résultat, il faut l’accepter. Même si ce n’est pas ce que nous aurions souhaité. Il y a eu beaucoup de réactions politiques d'autres acteurs mais je m’en tiens ici à la position officielle. La majorité des participants à ce référendum a décidé et ce qui reste à faire c’est attendre que le gouvernement britannique, qui est seul habilité à le faire, communique officiellement aux autorités de Bruxelles l'intention de faire appel à l’article 50 du Traité européen, qui permet à un Etat membre d’annoncer sa volonté de se retirer de l’Union. Aussi longtemps que cette démarche, cet appel n’est pas fait, aussi longtemps que cette communication officielle du gouvernement de Londres au Conseil européen n’est pas faite, l’Union Européenne continue comme avant et les droits et obligations des uns et des autres continuent d'être appliqués et respectés. Il y a eu un référendum avec le résultat qu’on connait, mais l’effet juridique de celui-ci n’est pas encore effectif.
Le Royaume- Uni est le troisième contributeur au budget européen. Son retrait ne constitue-t-il pas une menace pour la mise en œuvre du 11e Fonds européen de Développement (FED)?
Non. Je suis absolument clair. Il faut déjà indiquer que le Fonds européen de Développement (FED) est distinct du budget européen. Le budget européen est constitué de contributions des 28 Etats membres y compris le Royaume-Uni, selon une clé de répartition. Le FED est un fonds séparé formé par l’apport des différents Etats qui peuvent ne pas suivre la clé de répartition traditionnelle. Donc si un pays veut mettre un montant plus élevé que d’habitude, il peut le faire. Pourquoi le FED? Il représente un signe de la solidarité de l’Union avec les populations des pays en voie de développement mais rien n’empêche un Etat membre d’avoir une coopération bilatérale. C’est le cas au Bénin où certains Etats membres ont des programmes de coopération bilatérale avec le Bénin parallèlement au FED. Au-delà, le 11e FED est un compact qui a été déjà négocié, approuvé et ratifié. Si le 11e FED n’était pas ratifié nous ne pouvions pas l’appliquer. Nous sommes en train de l’appliquer, non seulement au Bénin mais dans l’ensemble des pays africains. Ne vous inquiétez pas, Brexit ou pas, le paquet de soutien financier du Programme de coopération du 11e FED au Bénin comme ailleurs, est d'application.
Mais si vous me posez des questions sur l’après 2020, là je n’ai pas de réponses. Ce n’est pas lié au référendum mais au fait que l’Accord de Cotonou qui est une pièce maîtresse du dispositif du 11e FED s’arrête en 2020. Il a été négocié en 2000 pour une durée de 20 ans. Nous ne savons pas quelle sera la suite bien que les dispositions pour la prévoir soient en train de se préparer depuis un moment avec des contacts et des échanges entre les différents acteurs, à savoir l’ensemble des pays ACP et l’ensemble des pays de l’Union Européenne représentée par leurs institutions. Beaucoup d’acteurs ont été consultés, différents organes parlementaires aussi. Tout ceci est en train d’être compilé pour permettre à l’Union européenne et aux pays ACP de faire des propositions à négocier.
Affirmez-vous alors que le Brexit n’aura aucun impact sur l’aide européenne au développement ?
Déjà vous parlez de Brexit, le Brexit n’existe pas encore, j’insiste là-dessus.
On anticipe…
Vous ne pouvez pas anticiper sur ma vie ou ma mort. Tout ce qu’on peut dire à ce stade, parce que c’est une affaire sérieuse, c’est qu’il y a eu une manifestation de volonté majoritaire à l’occasion d’un référendum dans un grand pays de l’Union Européenne. Dans ce contexte, nous pouvons imaginer qu’à un moment donné, il y aura des négociations. Nous ne pouvons pas spéculer sur les résultats de ces négociations. Quand vous parlez de Brexit, je ne sais pas de quoi vous parlez. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a eu un référendum avec un résultat. Maintenant, il y a la possibilité de déclencher un processus de négociations pour aboutir éventuellement à la sortie d’un membre de l’Union européenne. Vous me demandez s’il y aura des conséquences. On peut imaginer qu’il y aura des conséquences puisqu’il faudra ajuster les mécanismes qui sont communs à une réalité qui sera différente. Mais les modalités, je ne suis pas en condition de vous répondre et je doute qu’il y ait au siège de l’Institution quelqu’un capable de répondre à cette question.
Quel sera désormais le sort de l’Accord de Partenariat Economique (APE) entre l’Union Européenne et la région Afrique de l’Ouest dont plusieurs Etats commercent avec le Royaume-Uni?
Il faudra poser la question à ces pays-là. Ce que je peux dire, l’Accord de Cotonou prévoyait un délai de sept ans pour négocier le système de relations commerciales entre les deux blocs, c’est une exigence du commerce multilatéral. Nous ne pouvions pas faire autrement. Négocier un accord commercial était là dès le départ de l'Accord de Cotonou et il a fallu plus de sept ans pour aboutir à l’APE. Cet accord a des mécanismes de signature et de ratification très complexes. Du côté africain, certains pays l’ont déjà fait et on attend d’autres. La réponse à la question de savoir s’il est d’application, est non. Il ne l'est pas encore.
Mais le référendum peut-il venir bousculer la donne ?
Pas le référendum. Il faut savoir distinguer les choses. Pour le moment, nous avons seulement le référendum mais un éventuel retrait d’un Etat membre peut-il avoir de l’impact ? Bien sûr il peut avoir un impact puisqu’il s’agit d’un accord d’un groupe avec un autre groupe, si la composition d’un groupe est modifiée, peut-être il pourrait y avoir un impact. Mais la question que je vous pose est qui a intérêt à modifier un état de choses qui était très intéressant en ce qui concerne les relations avec l’Union européenne? Si moi j’ai la possibilité de souscrire à un pacte qui me donne l’accès et des avantages à un regroupement de pays développés, je le remettrai en question seulement si cela n’arrange pas mes intérêts commerciaux.
Pensez-vous qu’à partir de 2020, la coopération ACP-UE ne va pas souffrir du retrait éventuel du Royaume-Uni ?
Je ne pense pas. Si jamais il y avait un Brexit, là je vous suis dans votre logique, les futures relations ACP-UE prendront en considération cet élément nouveau. Une fois encore, il ne faut pas spéculer. J'ajoute que le fait qu’un pays décide de se retirer ne veut pas dire qu’il va couper tous les ponts avec le conglomérat. Ce ne serait pas logique. N’est-il pas envisageable de penser à la participation à un système multilatéral créé par ce groupe? Je ne vous apprends rien, il y a des pays qui n’appartiennent pas à l’Union Européenne, mais qui participent à des activités que le groupe a conclues avec d’autres groupes¦