La Nation Bénin...
La jacinthe d’eau colonise la surface des eaux
des régions tropicales. Elle obstrue sauvagement la circulation et rend
difficiles les activités économiques sur l’eau. La bonne nouvelle est que cette
menace est aussi une opportunité. A Ganvié, une coopérative de femmes
transforme la plante en produits artisanaux très prisés.
Ganvié, la cité lacustre. Cette localité
touristique surnommée la Venise de l’Afrique, n’échappe pas à la prolifération
sauvage de la jacinthe d’eau. Tel un tapis de gazon, cette plante
monocotylédone de la famille des pontederiaceae règne sans partage à la surface
de l’eau; rendant pénible la circulation lacustre. La menace est plus poussée
en période de crue.
« La présence de ces plantes vertes rend le
déplacement sur l’eau, deux à trois fois plus difficile que la normale», se
désole Wilfried Agossou Adjagoun, un
habitant de Ganvié.
A la manœuvre, les conducteurs de barque
motorisée doivent redoubler de vigilance pour éviter d’enlacer ces épais gazons
des eaux autour de l’hélice de l’engin qui pourrait s’abîmer et causer d’autres
dégâts. La circulation à bord de pirogue est aussi contraignante, car elle
nécessite plus d’effort physique de la part du conducteur.
Cette pression de la jacinthe d’eau compromet
en partie la vie économique dans la cité lacustre en l’occurrence l’animation
des marchés flottants et les activités de pêche et de tourisme.
Panacée
Cette agressivité sans issue de la jacinthe
d’eau à Ganvié a été pendant longtemps un casse-tête pour les dirigeants
béninois qui ont fini par trouver la solution: la valorisation de la plante. «
En 2010, le gouvernement en collaboration avec des Cambodgiens, a formé deux
personnes en transformation de la jacinthe d’eau en des produits artisanaux »,
informe Wilfried Agossou Adjagoun.
Chapeaux, sacs, paniers, corbeilles, tapis,
porte-miroirs, nombreux sont les produits artisanaux qui sont fabriqués à
partir de cette plante. Celle-ci peut aussi servir à faire du biogaz et de
l’engrais biologique, révèle Sandra Idossou, activiste écologique et promotrice
des produits locaux béninois et africains.
Elle nous emmène dans les locaux de la
coopérative «Togblé Tognon » qui transforme la plante en produits artisanaux.
Ici, une dizaine de femmes sont à l’œuvre. Elles exécutent une série de gestes
manuels successifs, précis et rigoureux, qui leur permet de tisser les milliers
de tiges sèches de la jacinthe, les unes au bout des autres, suivant un modèle,
pour produire à la fin les objets artisanaux prisés en majorité par les
touristes et des promoteurs de produits locaux.
Le processus de cueillette et de transformation
de la jacinthe d’eau est entièrement artisanal. Il est simple mais fastidieux.
Cela peut prendre des mois, renseigne Agnès Hadjagon, présidente de la
coopérative. « La jacinthe afflue pendant le mois de septembre. Nous récoltons
ses tiges à l’aide d’un couteau. Une fois à la maison, nous procédons au lavage
et au séchage au soleil pendant trois à quatre semaines. A l’issue du séchage,
nous les regroupons en de petits lots qui sont utilisés pour réaliser les produits
artisanaux », explique-t-elle.
Grâce à Sandra Idossou, les commandes et
modèles d’objets produits par la coopérative ont accru ces dernières années.
Agnès Hadjagon s’en réjouit et rêve d’élargir son marché d’écoulement en dehors
de la boutique sise au Centre de promotion de l’artisanat de Ganvié.
Difficultés
L’activité a aussi son lot de difficultés. Il
peut arriver que des reptiles fassent irruption lors de la cueillette des tiges
de la jacinthe. « Nous sommes toutes des femmes et dans ces conditions nous
prenons la tangente. Dans notre fuite, la barque peut facilement chavirer»,
explique la présidente de la coopérative. « Pour ce qui est du séchage,
poursuit-elle, il nous faut un espace plus grand et sécurisé, car il nous
arrive de recevoir beaucoup de commandes alors que la jacinthe d’eau n’est pas
encore totalement sèche. Cela constitue un blocage pour nous. Nous serions
heureuses si l’Etat ou des bonnes volontés nous aident à acquérir un séchoir
électrique pour réduire le temps de séchage de la matière première. Cela va
améliorer nos conditions de travail et donc accroître nos rendements ».
L’autre difficulté que rencontrent ces femmes,
toujours par rapport au séchage, est liée à dame nature. Quand la pluie mouille
les tiges en cours de séchage, elles sont obligées de recommencer le processus
de séchage à zéro. « Ou bien, c’est le vent qui emporte les tiges presque à
terme », ajoute Agnès Hadjagon. La confection
manuelle des objets est aussi une difficulté et la coopérative souhaite
disposer de machines qui pourront l’aider à décupler sa capacité de production.