La Nation Bénin...
Communément appelé ‘’autisme’’, le trouble du spectre de l’autisme (Tsa), se manifeste par une altération de la communication et des interactions sociales. Des éducateurs spécialisés engagés y consacrent leur quotidien dans les locaux de l’Institut supérieur des éducateurs spécialisés à Zogbo, afin de soulager les parents dont les enfants en sont porteurs. Leur certitude, un enfant autiste n’est pas une cause perdue.
C’est la semaine collective à l’association ‘’E.Kollectif’’. Période d’apprentissage par excellence dédiée aux enfants autistes. Dans la matinée de ce mardi 11 avril, les cours ont démarré tôt le matin afin de permettre aux apprenants d’acquérir le maximum de connaissances. Un pool d’éducateurs spécialisés à la manœuvre pour entretenir les enfants répartis dans deux grandes salles.
Le dispositif d’apprentissage installé, il reste maintenant le gros lot du travail : parvenir à obtenir la concentration et l’assimilation des notions par ces enfants ‘’handicapés’’.
Si pour le visiteur, ces aspects sont plutôt fastidieux, pour les éducateurs spécialisés, cela relève de la routine. Face à chaque enfant, chaque éducateur spécialisé a un objectif à atteindre. « Le travail à faire tient spécifiquement compte du tableau de l’enfant à encadrer et de la précocité de sa prise en charge », explique Flavien Dossa, éducateur spécialisé.
L’apprentissage des pictogram-mes, des images, des jouets … est mis à contribution. Cela ne garantit pas pour autant la concentration chez tous les enfants, car certains sont dispersés entre mille et une distractions.
Les éducateurs spécialisés ne rechignent pas devant ces cas. Bien au contraire, des pauses sensorielles sont observées entre les séances d’apprentissage au profit des enfants qui sont à la recherche de sensation ou de bruit tout le temps. « En général, les enfants autistes éprouvent des difficultés face au fonctionnement et aux normes sociales. Il faut un peu de tout pour qu’ils parviennent à développer le langage verbal », conçoit-il.
Chaque enfant autiste est unique en son genre. « Il n’existe pas deux enfants autistes identiques sur tous les plans. Ils n’ont pas les mêmes tableaux, encore moins les mêmes forces et les mêmes défis. Même s’il existe des éléments standards communs à leur niveau pour poser le diagnostic, deux enfants autistes ne sont pas pareils », nuance-t-il.
Assurance des éducateurs spécialisés
Au cours de la semaine collective, les enfants bénéficient d’un suivi particulier. « Nous essayons d’identifier très tôt les besoins des enfants suivant leur âge. Les données varient selon les cas. Autant on est sur des aspects scolaires avec un enfant ou encore sur le volet communication, autant on apprend à un autre comment fermer les boutons de sa chemise », poursuit l’éducateur spécialisé.
A partir de cette étape, l’implication des parents est déterminante. « Ce sont les pseudo-psychiatres qui nous réfèrent généralement ces enfants. Après leur admission, nous recensons les attentes des parents avant de faire une évaluation psycho-éducative des besoins de l’enfant. Dès cet instant, nous essayons de définir avec le parent un projet éducatif personnalisé (Pep) que nous partageons avec d’autres spécialistes en lien avec la prise en charge de l’enfant », développe Louis Akété, éducateur spécialisé, responsable à l’Association ‘’E. Kollectif ’’.
Le Pep est un document qui recense le programme des éducateurs avec les enfants. Il est approuvé par les parents par une signature d’accord.
Le lieu de la prise en charge relève également du choix des parents. « A domicile comme à l’école, nous faisons la prise en charge de concert avec les parents. Nous essayons de déterminer les priorités de chaque enfant », soutient-il.
Face aux parents qui portent les souffrances psychologiques du fait de l’autisme de leur progéniture, les éducateurs spécialisés tentent de les apaiser : « L’autisme n’est pas une cause perdue. A ce jour (6 avril 2023), j’ai reçu au total dix enfants. Parmi eux, il y en avait un âgé de 3 ans dont les parents ont pensé que sa scolarisation ne valait pas la peine. Cet enfant évolue aujourd’hui bien à l’école et parvient à interagir avec ses camarades et à verbaliser ses émotions », témoigne Flavien Dossa.
Un sacerdoce
Depuis des années, Flavien et Louis font de la cause des enfants autistes un sacerdoce. « Les enfants autistes sont déjà en difficulté. Il nous revient de faire tout possible pour essayer de comprendre leur monde, de mettre en place des adaptations pouvant faciliter leur évolution dans la société », conçoivent-ils.
Différents des enseignants ordinaires, les éducateurs spécialisés tiennent des agendas spéciaux pour donner un autre sens au trouble du spectre de l’autisme, car ce handicap invisible n’est pas une maladie. Là-dessus, Flavien Dossa explique comment les neurones réagissent : « L’autisme est un trouble neuro-développemental qui affecte le développement normal de l’enfant. L’altération de la communication, les dysfonctionnements comporte-mentaux et des interactions sociales permettent de diagnostiquer l’autisme chez l’enfant porteur ».
Pour le déceler, les parents doivent être en alerte maximale. « A douze mois, on peut relever l’autisme chez un bébé. Cela peut se manifester par l’absence de babillage, du sourire social, du contact oculaire. L’absence de pleurs chez l’enfant ou les pleurs trop fréquents sont aussi des signes qui doivent alerter les parents », révèle-t-il.
Par contre, certains signes ne sont visibles que lorsque l’enfant grandit. « A partir de 2 ans, l’enfant devient muet, il n’arrive même pas à prononcer ‘’papa’’, ‘’maman’’ ou bien, il régresse et n’arrive plus à prononcer les mots qu’il avait acquis », précise-t-il.
A partir de ce constat, les précisions interviennent avec l’âge de l’enfant. « L’autisme est diagnostiqué chez l’enfant à partir de 3 ans par des professionnels spécialisés. Il n’existe pas de traitement médicamenteux pour ça. L’enfant naît autiste, il grandit autiste, jusqu’à la fin de ses jours ».
Dans ces conditions, à quoi cela sert-il alors de mettre en place tout un paquet de soins au profit de l’enfant ? « Ce n’est pas parce qu’un enfant est autiste qu’on doit le laisser pour compte pour qu’il soit une charge à vie pour ses parents. L’autisme n’est pas une fatalité. Lorsque des aménagements pédagogiques sont mis en place, il parvient à développer des capacités et peut contribuer également au développement de sa communauté », assure Flavien.
En plus des aménagements pédagogiques, il faut une prise en charge pluridisciplinaire : orthophoniste, psychologue, éducateur spécialisé, psycho-médecin....
Doléances pour l’intégration des autistes
A bout de souffle, certains parents abandonnent la prise en charge. Ce qui crée un perpétuel recommencement pour les professionnels de la prise en charge.
Toutefois, les parents les plus téméraires retrouvent le soulagement au bout du rouleau. « On retrouve les autistes verbaux (ceux qui ont le langage et qui arrivent à exprimer leurs émotions) et les autistes non verbaux (ceux qui n’arrivent pas à verbaliser leurs émotions).
Toutefois, avoir un enfant autiste non verbal n’est pas une fin en soi, car le langage n’est pas que verbal, il est également gestuel. On peut alors trouver des moyens pour aider l’enfant qui ne parle pas à exprimer ses besoins », se convainc Louis Akété.
Pour l’heure, difficile d’avancer avec précision les chiffres réels sur l’autisme au Bénin. Selon les témoignages, les politiques en faveur des personnes handicapées ne tiennent pas encore compte de cette forme de handicap. Seules précisions, l’autisme touche trois garçons sur une fille et un enfant sur cent cinquante.
La scolarisation est un droit pour tout enfant. Le E.Kollectif note l’absence de formation des enseignants sur ce type de handicap, car l’association a aussi besoin d’une main forte sur le volet éducation scolaire des enfants. « Certains enseignants pensent que notre engagement vis-à-vis de l’autisme vise à leur arracher leur place », déplore l’association.
Cette attitude des enseignants ordinaires aggrave les difficultés d’intégration des enfants autistes dans les établissements scolaires. D’où le plaidoyer de l’association E.Kollectif à l’endroit des pouvoirs publics à accorder toutes les chances de réussite aux enfants porteurs de cette forme de handicap.